Safran : il vaut de l'or
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Safran : il vaut de l'or



Invitée de la plupart des cuisines traditionnelles comme des traités de médecine naturelle depuis des siècles, l’épice réputée la plus chère au monde démontre aujourd’hui qu’elle vaut bien plus que son prix…





Qui s’est déjà procuré un flacon de verre renfermant quelques filaments couleur rouge, « sang de boeuf », en vue de la préparation d’un repas de fête n’aura peut-être pas mesuré à sa juste valeur la préciosité et l’histoire séculaire de cette épice à travers le monde. Parties infimes et intimes de la fleur d’une espèce cultivée d’iridacée - le Crocus sativus - les pistils de safran sont récoltés manuellement et minutieusement (ils ne mesurent que 2 à 3 cm !) durant une période de 3 à 5 semaines de fin septembre à fin octobre selon les régions, au moment de la floraison de la fleur. Ensuite séchés, ils doivent leur prix à cette main-d’oeuvre délicate et à leur rareté. Entre 200 000 et 250 000 fleurs en moyenne sont nécessaires pour obtenir un kilo de la précieuse épice sèche ! Connu depuis plus de 5000 ans et provenant du Cachemire (hauts-plateaux du nord de l’Inde), d’Iran ou de France qui fut un de ses principaux comptoirs de vente du 16ème au 19ème siècles, le safran voit ses vertus médicinales et culinaires évoquées dans nombre de traités de médecine traditionnelle. Actuellement l’Iran produit plus de 100 tonnes par an, le Maroc entre 3 et 4 tonnes, la France 100 kilos, l’Espagne (Mancha) plus de 100 kilos, l’Italie dans des quantités semblables et la Belgique 3 ou 4 kilos. Nos safrans européens sont prisés par les amateurs car ils sont unanimement reconnus comme étant de qualité supérieure. Leurs propriétés et vertus ont été exploitées de par le monde tant en teinturerie pour la coloration de vêtements religieux, qu’en peinture (Michel-Ange en aurait utilisé pour peindre la Chapelle Sixtine !), qu’en cuisine pour la préparation de plats ou de boissons.

Cuisines du monde et actuelle

Riche de plus de 150 composants (composants volatils aromatiques, pigments caroténoïdes tels que la zéaxanthine ou le ß-carotène, etc.), le safran doit son pouvoir colorant rouge-orangé, son arôme amer et son goût de foin respectivement à la crocine, au safranal et à la picrocrocine. Soluble dans l’eau, la crocine permet ainsi au safran de colorer et surtout d’aromatiser de nombreux plats tels que ceux à base de riz ou les potages, les sauces pour poissons, fruits de mer et viandes, ainsi que les desserts. De l’Asie à l’Amérique en passant par l’Europe, nombre de traditions culinaires vont en exploiter les vertus. Les typiques paëlla espagnole, bouillabaise française, tajine marocaine, byrianis indien, « saffranbullar » suédoise ou encore « rissoto alla milanese » lui doivent ainsi leur couleur dorée et leur note gustative particulière. Mais son goût, incomparable, lui est propre et demeure unique ! Et les boissons ne sont pas en reste puisque le safran entre dans la composition de nombreux alcools tels que la Chartreuse ou l’Izarra. Attention cependant ! Même si deux ou troix filaments savamment macérés pendant 24 heures dans un peu d’eau tiède avant d’être ajoutés au plat en fin de cuisson (surtout pas d’ébullition) suffisent, le prix très élevé de cette épice (environ 35 000 euros/kg !) en fait un bien précieux dont il est impératif de s’assurer de la qualité en vérifiant sa couleur bien rouge et son aspect qui ne doit pas comporter de queues de pistils jaune et blanc. Le prix cependant ne doit pas décourager le chef en herbe qui utilisera par personne tellement peu de safran que le coût réel pour un safran de qualité n’excèdera pas 50 centimes par personne.

Comment reconnaître la qualité du safran

Le safran produit en Orient est de qualité inférieure à celui produit en Occident en raison de sa méthode de séchage. En Orient, il est séché à l’air libre. Le safran, étant très volatile, perd ainsi beaucoup de ses vertus. Il est d’ailleurs d’une couleur plutôt orangée alors que le français est d’un rouge bien soutenu. En Europe, il est séché dans des dessiccateurs à épices pendant 45 à 60 minutes à la température précise de 52 degrés. Pour ces raisons, les valeurs en corcine, safranal et picrocrocine sont supérieures. C’est par ces analyses en laboratoire qu’il a été établi que les safrans français, belge, italien, suisse sont de qualité nettement supérieure aux safrans orientaux. Le safran français est beaucoup plus puissant que l’oriental. Il aura un goût plus typé safran, moins typé épice et sera donc plus authentique. Il en faut donc beaucoup moins.
Le safran de qualité est vendu exclusivement en filaments ! Lorsqu’il est vendu en poudre, il est en effet fréquent que des producteurs le coupent avec des épices beaucoup moins chères et de couleur équivalente telles que le curcuma ou le paprika. Qu’il soit en poudre ou en filaments, il faut le conserver dans un placard à l’abri de la lumière et de la chaleur excessive pour en préserver les qualités organoleptiques.

La norme ISO 3632-Safran réglemente la qualité du safran en fonction de sa concentration en crocine, en picrocrocine et en safranal ainsi qu’en fonction du pourcentage d’humidité résiduel. Quatre catégories allant de I à IV sont ainsi définies, la catégorie I étant de qualité supérieure. C’est à cette catégorie qu’appartiennent par exemple le safran cultivé en France, en Belgique, en Suisse (petit village de Mund qui produit 2 à 4 kg/an !) et en Italie (Sardaigne). Les producteurs bios garantissent une qualité irréprochable et surtout le cultivent dans le respect du sol et de l’environnement ; le safran en étant issu sera énergétiquement plus puissant. Les connaisseurs avertis les jaugent au parfum, à la couleur et au goût, comme les bons vins !

Santé d’hier et d’aujourd’hui

Des papyrus d’Ebers datant du 16ème siècle avant JC au Moyen Age en passant par l’Antiquité, les vertus médicinales du safran ont été citées pour soulager des maux aussi variables que les gaz intestinaux, les affections respiratoires, les affections sanguines, l’hypertension, l’insomnie, les troubles de la mémoire ou les retards et absence de règles. Il est réputé apporter gaieté et sagesse et cette propriété, liée au safranal, est aujourd’hui exploitée dans de nombreux compléments alimentaires destinés à soutenir le moral en cas de dépression légère et de troubles associés tels que l’insomnie. Il combat la fatigue et le surmenage et exerce également une action tonique sur la digestion. Il est, par ailleurs, un puissant antalgique. En infusion ou en teinture-mère, son usage externe est recommandé pour le traitement des gencives douloureuses. Les pigments caroténoïdes que contient le safran montrent également une action anti-cancéreuse prometteuse dans plusieurs types de cancers ainsi qu’une action anti-oxydante intéressante pour lutter contre le vieillissement, surtout dans les pathologies dégénératives telles que l’Alzeihmer.
En cuisine comme en santé - les deux étant d’ailleurs liés ! - réintroduire le safran est donc riche de promesses,... de gaieté et de sagesse !

Charline Nocart

POUR EN SAVOIR PLUS :
• Secrets de la safranière, de Véronique Lazerat, Editions Lucien Souny
• Epices et santé, de Nathalie Giraud, Editions Tredaniel Pratique
• Plantes et remèdes naturels, de Clothilde Boisvert, Editions Minerva
• www.passeportsante.com
• www.safran-de-rodes.fr



Paru dans l'Agenda Plus N° 277 de Mai 2016
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