Eloges des préliminaires
Vidéos
Annuaire
Retour

Eloges des préliminaires



Nous voici aux portes des vacances – et c’est bien connu : soleil, changement de rythme, corps dénudés s’associent naturellement avec volupté et sexualité ! Il est vrai que le relâchement du stress est déjà un facteur qui aide la libido à se déployer, de même que l’apport du soleil sur notre vie hormonale.





Mais cette période où le temps se dilate ne serait-elle pas à mettre à profit pour que « l’acte sexuel » devienne davantage un temps de rencontre intime où la sexualité, l’amour et l’union sont célébrés ?

La culture du « quicky »

Nul n’ignore que la culture du fast-food a im-prégné la sexualité. Ceci nous vient de cette habitude du « quick » propre à cette culture occidentale mais surtout de la longue his-toire de l’évolution : la plupart des animaux au sexe masculin ont été sélectionnés au fil des générations pour des rapports sexuels très rapides – car pendant ce moment, des préda-teurs peuvent surgir et il faudra aller vite car la femelle ne reste pas disponible longtemps. Dans sa conception la plus utilitariste ou prag-matique, l’acte sexuel est un temps qui ne dépasse pas 5 à 10 minutes, la moyenne étant de 7 minutes. Quelques caresses, très sexua-lisées sur les zones érogènes puis sexuelles, la pénétration, la jouissance souvent de l’homme, puis un temps de contact pour pro-longer un peu le plaisir avant de vaquer au sommeil, à la douche ou à d’autres activités. En impliquant l’ensemble des phases, on dé-passe rarement 15 minutes.

Qu’apporte ce scénario ?

D’importantes frustrations à la plupart des femmes qui apprécient de prendre du temps, d’explorer le contact génital et non génital, qui ont besoin de plus de temps pour faire émerger leur jouissance et qui vivent souvent mal d’être utilisées comme un jouet sexuel. L’homme ou le partenaire, en ne développant pas son langage sensuel, reste bloqué dans une non-créativité qui amène la répétition, la monotonie, l’envie d’aller voir ailleurs. Pour rappel, moins de 30 % des femmes atteignent l’orgasme uniquement via la pénétration. Et environ 34 % des femmes simulent des or-gasmes régulièrement !
Ce scénario concentre la sexualité sur une dimension génitale et reste centrée sur la jouissance du sexe, spécifiquement du sexe masculin. On est bien loin d’une célébration de l’union de deux êtres à travers la sexualité…

Quel gâchis !

En outre, ce scénario honore seulement 1000 cm² de peau alors que l’être humain en com-porte 18 000 ! Nous omettons de célébrer ainsi le cadeau de dame nature qui nous a pourvus d’un million cinq cent mille capteurs sensitifs sur la peau. N’en honorer que cent mille est un drôle de gâchis ! Pour comparer à la gastronomie, ce scénario s’apparente à un cornet de frites quand on a très faim. Fonc-tionnel mais à mille lieues de la gastronomie !

Vers une sexualité augmentée ?

Alors pendant ces vacances, pourquoi ne pas changer de scénario dans l’intimité ? Quels éléments de créativité pourrions-nous utiliser pour faire de la sexualité une réalité augmentée ?
Développer l’art du massage surtout avant, parfois pendant et aussi après. Pas besoin de mille instruments : de la réceptivité, pourquoi pas de l’huile (même sim-plement de l’huile d’olive bio de cuisine suf-fit), de l’écoute et des mains sensibles. Nos mains sont capables de capter chez l’autre les zones sensibles, de les stimuler, dans des mouvements unifiants (associer le toucher de zones érogènes à des zones non-éro-gènes). Les cheveux peuvent aussi caresser en éveillant une immense douceur. Masser, c’est stimuler les capteurs de peau, de plai-sir, d’enveloppement, mais c’est avant tout se relier par le toucher. Les mains sont for-tement connectées au chakra du cœur qui sont alors des émetteurs d’amour. Caresser un corps, c’est donc émettre de l’amour qui sera reçu autant par l’âme que par les cap-teurs de la peau. Ancrer l’amour et le désir dans la matière. Caresser avec amour, c’est une nourriture profonde pour l’être. Donc caresser, caresser et encore caresser : une des clés du délice.
Sortir des routes connues : nos scénarios sexuels manquent parfois de créativité. On utilise les mêmes routes pour les mêmes destinations et, à force, on s’en lasse. Pour-quoi ne pas explorer d’autres territoires tout comme en vacances ? Il y a différentes façons d’unir les corps – le kamasutra et ses déclinaisons modernes nous invitent à plus de 250 positions d’accouplement – mais surtout, rien qu’avec les mains, les cheveux, la langue, les lèvres, il est possible de stimu-ler mille endroits du corps et de faire émer-ger des profondeurs une sensualité parfois endormie ou oubliée.
Communiquer ! Certes, les onomatopées ont un charme singulier. Mais souvent, elles sont difficiles à décoder en finesse, sauf si vous avez l’oreille absolue ! La com-munication avec des mots en plus des ono-matopées permet d’associer la force et la profondeur de la parole aux gestes qui sont entrepris. Cela permet aussi de sécuriser le partenaire, d’explorer une autre façon de partager, etc.
Dilater le temps : la stimulation de la peau, du plaisir va inonder notre corps de diverses hormones. Ceci ne se produit pas en 3 mi-nutes ! Il faut laisser le temps à nos glandes de recevoir ces messages neuronaux et plus on est inondé de caresses, et plus le bien-être en devient profond, et plus l’état de conscience des partenaires va pouvoir plon-ger dans un état de connexion profonde à la sensualité, un monde plus profond, plus doux, plus sauvage aussi.

Recharge ou décharge ?

Sur le plan de l’énergie du corps, le coït en sept minutes est plus une décharge qu’une recharge ! Les préliminaires, les massages, les mots, toutes ces stimulations contribuent à réveiller un désir plus profond, plus fort, une dimension plus sauvage qui a besoin de temps pour être accueillie, réchauffée, canalisée. C’est le réveil de la kundalini. Quand cette énergie dans le canal (pour faire simple, dans la colonne vertébrale) s’est éveillée, on est ha-bité d’une puissance sexuelle et énergétique plus forte. Les chakras sont en expansion, notre corps est en éveil, les cellules sont pétil-lantes, vivantes, vivifiées par les préliminaires, le désir, gonflées de cette énergie de vie qui est célébrée. Tout cela est possible grâce à la dilatation du temps, à l’état de lâcher prise, de non attente (par exemple sur un scéna-rio classique) ainsi qu’un mental calme et un émotionnel en paix.
Quand toute cette énergie de pétillement s’expanse dans la relation sexuelle et dans la relation de tendresse, il se passe une recharge bien plus nourrissante qu’une décharge.

Les préliminaires, le temps de la célébration

Si, pour certains, les préliminaires sont encore une obligation imposée par Madame ou par Monsieur, tout qui a développé l’éveil progres-sif de sa sensualité saura que l’obligation a fait place au plaisir et même à une étape indis-pensable pour décupler la puissance de l’art de la sexualité sacrée. Les préliminaires sont une phase de célébration qui permettent de s’accorder à l’autre, à son corps, à son tonus, à son désir, à son énergie et d’entrer en com-munication profonde avec le partenaire par le biais de plus de médias de communication : réveil du langage du toucher, exploration de l’immersion des hormones du plaisir, éveil des cellules, etc.
Les préliminaires sont en réalité un tremplin dans la relation : en les investissant, la rela-tion se consolide, le sentiment d’être accueilli qu’il procure dope notre réceptivité et notre ouverture à l’amour et multiplie notre désir et la force de l’orgasme.

Raphaël Dugailliez



Paru dans l'Agenda Plus N° 289 de Juillet 2017
Retour