La sexualité des adolescents : le temps parfait pour les initier à l’art de l’amour
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La sexualité des adolescents : le temps parfait pour les initier à l’art de l’amour



La Saint-Valentin est une belle opportunité pour se questionner sur quels points de repères de la sexualité nous désirons que nos ados impriment dans leur for intérieur. En effet, c’est à cette période de leur vie que ces balises importantes s’impriment, puis se reproduisent ultérieurement. La sexualité est bien plus complexe, mystérieuse et sacrée que pour laisser les médias la réduire à une mécanique de pistons.



Dans le long fil de la jeunesse, les enfants, entre 3 et 8-9 ans sont dans un développement assez continu, souvent harmonieux, s’ils sont bien entourés. Les enfants ne sont pas encore dans un vécu fort sexualisé, ils ont bien conscience qu’il existe des filles et des garçons, que les attributs anatomiques et psychiques sont différents, mais les rapports sont souvent encore fort fraternels, même si déjà « avoir un/e amoureux/se » a déjà été expérimenté. Il règne encore une forme d’insouciance, de sérénité qui, bientôt, va être irrémédiablement bouleversée. Vers 9, 10, 11, 12 ou même 13 ans, la génétique va se mettre à l’oeuvre et déclencher la phase de la puberté : une véritable avalanche d’hormones va enclencher cette phase de développement des caractères sexuels.
• primaires : la maturation des organes génitaux s’accomplit ainsi que leur développement en taille et volume, elle enclenche la génération des gamètes disponibles pour la reproduction chez les deux sexes - donc déjà la faculté de procréer -, avec l’apparition des cycles menstruels chez l’adolescente ;
• secondaires : apparition de la pilosité, apparition des seins chez les adolescentes, augmentation de la masse musculaire pour les garçons, poussée de croissance, la voie mue, quelques changements cutanés apparaissent, etc.

C’est une révolution pour la plupart des adolescent(e)s. Une multi-révolution. Et comme toute révolution, pas simple à assimiler … Explorons ensemble :
• Primo, la poussée hormonale va conduire souvent inconsciemment les ados vers une exploration de leur sexualité, généralement via une focalisation sur les organes génitaux, et cette exploration va se traduire par des envies de s’explorer et de s’offrir la jouissance par la masturbation. Un peu, beaucoup ou très souvent. Déjà des études illustrent que les bébés s’explorent dans le ventre de leur mère. Ce n’est pas nouveau mais cela s’amplifie fortement à cet âge.
• Secundo, dès lors que les ados sont progressivement mus par des pulsions sexuelles bien plus fortes qu’en enfance (qui était une période très calme sur le plan hormonal sexuel), la tonalité des relations entre sexes va aussi évoluer. Les relations vont progressivement se sexualiser. Elles vont impliquer aussi que l’attirance va passer vers le toucher, vers ce corps, qui, par ses formes nouvellement acquises, devient plus séduisant.
• Tertio, le corps évolue énormément en très peu de temps. Le corps va devenir nettement sexué. Une fille va devenir en quelques années une adolescente avec ses formes, un garçon aussi. Le regard des autres sur soimême va donc être profondément modifié puisque les formes et les hormones vont accentuer les jeux de séduction dans les relations. Chaque ado va devoir apprendre à jouer/gérer sa séduction, son estime de soi, chose qui ne le traversait pas quelques années plus tôt.
• Quarto, il se peut que se rejoue une attirance pour le parent opposé, une forme de reviviscence du syndrome d’OEdipe. Et quand cela se rejoue dans la dynamique des familles recomposées, ce n’est pas simple à gérer.



Ces quelques révolutions existent depuis la nuit des temps, mais de nos jours, en ces temps contemporains, il est salutaire de prendre conscience que de nouveaux ingrédients peuvent perturber grandement le développement de la sexualité des ados.
• En quelques clics sur un smartphone (que la plupart des ados de plus de 12 ans possèdent) ou sur une tablette ou un ordi, Internet offre le meilleur comme le plus « gore » en matière de sexualité. Il y a d’ailleurs bien plus de « gore » que d’érotique humaniste sur le web. Il n’est pas inutile de rappeler que le secteur économique de la pornographie a pris un essor incroyable par le développement du web. Le web comporte une multitude de photos, vidéos qui sont autant de point de repères qui s’installeront chez les ados une fois consultées, visionnées, explorées. Quels points de repères voulons-nous transmettre à nos ados ?
• Les ados d’aujourd’hui sont plus éveillés que les ados de la génération précédente, ou d’il y a deux ou trois générations. Résultat, ils sont plus précoces. L’âge moyen des premières relations sexuelles diminuent d’année en année. Il n’est pas rare que des ados de 12, 13 et 14 ans vivent des relations sexuelles. De plus, les « coups d’un soir » sont plus présents qu’il y a une ou deux générations. Cette forme de sexualité occasionnelle n’est pas toujours bien comprise chez les parents.
• L’ouverture et la tolérance à l’homosexualité ouvrent un champ des possibles qui, il y a quelques décades, étaient plus restreint. L’homosexualité, en étant présente et visible dans la société, ouvre à des questions sur l’orientation sexuelle qui existait moins avant. Il en va de même pour d’autres constructions de l’identité sexuelle comme l’attirance vers les deux sexes.

Savez-vous que, toutes ethnies confondues sur cette planète, il existe une moyenne de 3 à 6 % d’homosexuels ? Cela signifie que dans chaque classe de 20 élèves en moyenne, une personne aura un rapport au monde différent et devra encore assumer cette différence devant ses semblables.
• Pour un nombre important de familles, la sexualité reste difficile à aborder sereinement.
• La sexualisation des corps a envahi l’espace public, la TV, les films, la publicité, etc.
• Le volume des animations à la vie affective et sexuelle est nettement trop faible dans les écoles.
• La sexualité dans le programme scolaire de secondaire est abordée sous l’angle biologique et très peu sur le volet psychique et relationnelle.
• Globalement, il y a une disparition des rites dans notre société, et pourtant ceux-ci sont les témoins, pour notre psychisme, des passages de cap que nous vivons.

Il est toujours judicieux d’écouter les témoignages des praticiens de la santé mentale : nombre d’entre eux partageront que la sexualité a évolué chez les ados. "On couche plus vite", on fait du chantage à la relation si on ne couche pas, la sexualité s’est davantage banalisée. Il y a aussi une plus grande curiosité à explorer toutes sortes de pratiques exotiques. Il revient aussi que trop d’ados jouent à la roulette russe quant à la contraception et vivent du stress quant aux maladies sexuellement transmissibles, etc.
Face à toutes ces mutations, plusieurs attitudes sont possibles. Laisser la modernité gouverner la sexualité des ados ou accompagner les bouleversements de l’adolescence vers une sexualité harmonieuse, épanouissante. C’est cette voie que nous allons explorer ensemble.

Fêter l’enclenchement de la puberté

A l’échelle d’une vie, c’est un beau moment de passage où filles et garçons entrent dans une nouvelle ère de leur vie. Cela mérite de marquer le coup, de ritualiser ceci, par une fête en famille, où singulièrement le parent du même sexe a un message important à délivrer du type : « je te reconnais comme ado et je fête que tu puisses créer et procréer, que tu sois entré dans une phase importante, c’est donc aussi une responsabilité. Nous prendrons un moment pour t’aider à gérer le mieux cette nouvelle responsabilité ».
Un cadeau serait le bienvenu, symbolique du moins, des fruits, des fleurs, un bijou, un livre ou des BD qui parlent de sexualité. Cela peut aussi être un voyage, un arbre à planter, bref, marquer le coup avec une association positive.
Pour les filles, c’est encore plus essentielle que les mères anticipent l’arrivée du premier cycle en expliquant ce qui va se passer, car sinon pour la plupart, perdre du sang est un stress et peut même devenir angoissant si c’est en société, imprévu.

Responsabiliser sur la capacité

de procréer La plupart des ados méconnaissent les subtilités de la fonction de reproduction. Par exemple, le cycle d’une femme n’est pas parfaitement de 28 jours, cela oscille entre 18 et 33 jours en moyenne, la technique dite du « coït interrompu » n’est pas aussi fiable qu’elle le laisse paraître, car une émission d’une goutte ou deux de sperme se fait durant le rapport avant l’éjaculation. Du coup certaines grossesses semblent sortir de nulle part alors qu’elles proviennent bien d’un rapport mal géré du point de vue de la contraception.
La pilule du lendemain est méconnue alors qu’elle pourrait utilement se trouver dans la trousse de toilette des ados, surtout en voyage ou en camp.
Et donc, pourquoi ne pas organiser une visite chez un médecin généraliste ou spécialiste à l’aise avec la sexualité pour proposer que celui-ci explique, avec le sérieux et le cadre qu’il convient d’y associer, les évolutions et les responsabilités en matière de procréation. Un(e) jeune gynécologue serait sans doute approprié(e). Ce qu’il convient de faire, c’est de trouver la bonne personne avec le bon cadre, en mettant l’ado à l’aise, sans la présence du parent pendant le rendez- vous. Cela peut être un cadeau d’anniversaire inédit !


Accompagner l’ados pour qu’il développe son art des relations amoureuses

Certains ados sont très sociables, d’autres moins, d‘autres pas du tout. Une sexualité épanouissante, pour la plupart des gens, est une sexualité partagée. Pour partager ceci, il faut savoir initier, tester, créer, nourrir, entretenir des relations. La timidité doit s’apprivoiser pour ne pas être étouffante. C’est un des apprentissages de l’adolescence : apprendre les relations.
Les parents ainsi que les professionnels de la santé mentale peuvent accompagner cette capacité relationnelle. Sinon, les ados canalisent leurs pulsions soit dans la masturbation (les entrainant plus facilement dans la spirale de l’isolement, d’addictions, notamment à la pornographie), soit dans la compensation par d’autres formes (shopping, séduction, etc.)

Aider les ados à assimiler la notion de consentement

Faire l’amour, avoir des relations sexuelles n’est jamais anodin. On mélange l’intimité, on s’expose, on s’explore. Tout cela nécessite le consentement explicite de l’autre. Lors des festivals, des soirées alcoolisées ou des jeux d’ados, il arrive que la notion de consentement soit plus à « géométrie variable ». C’est ainsi que fleurissent parfois les images ou vidéos incongrues, les rapports consentis sous l’alcool ou des stupéfiants, etc. Cela fait du dégât, après coup. Cela laisse traîner – même dans les méandres d’Internet – des images mentales ou virtuelles qui peuvent gâcher des morceaux de vie.
Aider les ados à poser leurs limites, par des jeux de rôle, des lectures, des discussions est essentiel pour éviter que les ados ne participent ou ne subissent toute forme de violence sexuelle.

Etablir la congruence entre le développement hormonal et la vie sexuelle

En Europe, pour des motifs religieux et sociaux, les siècles passés ont décalé l’âge des premiers rapports (de 18 à 22 ans, lié au mariage, notamment) avec le temps du développement des pulsions sexuelles (12 à 14 ans). Cette phase tend à se réduire mais pour certains parents, il est encore parfois difficile de « faciliter » que leurs ados fassent l’amour à 16, 15 ou 14 ans.
Chez de nombreux peuples vivant sans la modernité, le temps des premiers rapports est plus congruent avec le temps de la puberté. Il s’ensuit moins de frustrations sexuelles, une meilleure construction de l’identité sexuelle, et davantage d’harmonie dans le vécu des relations amoureuses.
A défaut de faciliter les rapports, les ados testent alors ces rapports dans des endroits ou momentum peu confortables. On est alors à mille lieues de beaux moments de sexualité épanouissante mais davantage dans de la gestion de pulsion à la va-vite, et en y associant l’insécurité, ce qui est insensé.

Apprivoiser la notion de séduction sans hypersexualisation

Les médias – dans leur presque totalité – transportent une image de la femme et des rapports homme/femme très sexualisés. La séduction omniprésente, notamment au cinéma et dans les clips vidéos, l’usage de lingerie banalisé dans les publicités, les photos retouchées des magazines, les mannequins parfaitement retouchées par la chirurgie plastique, tout ceci imprime que la sexualisation est une clé des relations du monde des adultes.
De plus, les modèles que les ados voient dans les lieux « place to be » (boîtes de nuit, dance floor des clips RNB, etc) sont aussi hypersexualisés. Par envie de mimétisme, nombre d’ados s’alignent sur ces modèles ou sur ces codes vestimentaires. Nombre d’adolescentes particulièrement, ne prennent pas toujours conscience par leur code vestimentaire « court » du désir qu’elles éveillent chez les ados, et du coup assument mal l’ambiguïté de se montrer très séduisantes et d’être regardées de façon trop concupiscente… Les adultes – spécialement les femmes - entourant les ados peuvent témoigner par l’exemple et la communication que l’on peut s’habiller de façon féminine sans être habillée « sexe » ou « court », idem pour les hommes.



Communiquer sur la sexualité

Chaque mois, en faisant les courses, il serait sain et naturel que l’achat de préservatifs soit abordé aussi naturellement que l’achat de légumes ou de cirage. Les questions de contraception devraient être discutées avec facilité, tout en laissant le jardin secret des ados à l’abri du contrôle parental.
De même que partager en famille un film qui aborde la sexualité avec une forme de violence doit pouvoir être un levier permettant de verbaliser que la sexualité n’est pas à associer avec la violence, mais au contraire avec le respect de l’autre comme vecteur fondamental.
Il en va de même pour les questions de société qui touchent à la prostitution, aux abus sexuels, à la chirurgie plastique. Les médias abordent ceci régulièrement mais toutes ces informations sont-elles traitées et digérées par les ados avec l’aide de leur entourage ?
Enfin, les ados cultivent souvent un jargon assez cru sur la sexualité : il serait judicieux de les aider à cultiver un langage plus poétique sur cette dimension, car le langage trop cru rabaisse la sexualité à un produit de consommation. Discuter de sexualité, c’est toujours plus simple avec délicatesse.

Initier les ados à l’art de l’amour

L’art de l’érotisme, c’est bien plus que d’être performant sur le plan génital. Cela comprend l’art de la parole, des caresses, du massage, de la créativité, de la séduction, de l’hygiène, etc. Il y a toutes sortes de petits cadeaux et lectures que des parents, enseignants, parrains, marraines, peuvent offrir aux ados pour explorer ce champ des possibles, afin de dégénitaliser la sexualité, de la cadrer dans une relation de respect, d’épanouissement, d’amour.
Ceci est un très long chemin à accomplir qui est quasi inexistant à l’adolescence actuellement en Europe.

Aider les ados à surmonter leurs échecs relationnels Pour la plupart des ados, leur sexualité se déroule dans leurs essais et vécus de couple. Il arrive que certaines séparations à l’adolescence soient vécues comme un drame. Dans ce cas, aider l’ados à surmonter ceci sera aussi salutaire, pour ne jamais le décourager d’entrer en relation, de les aider à accomplir ces deuils. Les thérapeutes pour ados devraient être plus souvent proposés aux parents afin que tous ces effondrements amoureux puissent avoir un exutoire légitime, respectant leur jardin secret, en dehors de la famille, et puisse se voir compléter par une reconstruction personnelle.
Toute la phase de l’adolescence est somme toute un vaste rite de passage pour apprendre, découvrir, tester, expérimenter en âme et conscience l’art des relations amoureuses et de la sexualité. Arrivant à l’âge adulte avec ce bagage, il se passerait moins de déprimes et d’addictions au sexe virtuel, payant ou à une sexualité déconnectée des sentiments si ce grand rite de passage avait été accompli pleinement.
Il pourrait sembler que la sexualité soit uniquement affaire d’apprentissage personnel. La sexualité, c’est aussi de multiples apprentissages sur le corps de l’autre, sur sa psychologie. Il y a donc beaucoup de connaissance à transmettre aux ados, leur permettant ensuite de les traduire en compétences dans l’exploration de leur sexualité.
Alors pourquoi ne pas offrir un livre abordant un des thèmes énumérés chaque année à nos ados ? « Le traité des caresses » de G. Leleu à 16 ans, « Le choeur des femmes » de M. Winckler à 18 ans, etc. Les bons libraires complèteront la liste…
Pourquoi ne pas interpeller les établissements scolaires, les mouvements de jeunesse à organiser davantage d’animations à la vie affective et sexuelle, par exemple a minima une fois l’an ? Il y a des ressources, il s’agit de les activer. Car à défaut, c’est la vague « gore » d’Internet qui s’en chargera par la facilité de 3 clics…

Un parent averti en vaut quinze en cette matière...
Et comme la Saint-Valentin célèbre les couples, c’est un moment très propice pour glisser un petit cadeau aux ados pour les aider dans leurs découvertes de l’art de l’amour.

Raphaël Dugailliez
Sexologue clinicien
raphael@agendaplus.be



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