Ortie, « l’ennemi » qui vous veut du bien
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Ortie, « l’ennemi » qui vous veut du bien



Qui n’a pas un souvenir cuisant de son contact au détour d’un jeu ou d’une balade ? Qui n’a pas essayé de la cueillir « sans respirer » pour échapper à sa brûlure ? Et surtout qui ne l’a pas placée en tête de liste des « mauvaises herbes » à éradiquer de la surface de la planète ? Tout simplement ceux ayant appris à percer ses défenses et ses mystères pour le plus grand bonheur de leur santé et de leur assiette !





Peu de plantes sauvages peuvent se targuer de voir leur nom connu aussi bien des savants depuis des siècles que des jeunes enfants. Etudiée et vantée par les premiers, souvent maudite par les seconds, l’ortie a en effet accompagné l’homme et son développement depuis l’aube de l’humanité. La grande famille botanique (elle compte quelque 1000 espèces dans le monde) des « Urticaceae » à laquelle elle appartient tire son nom du verbe latin « urere » signifiant « brûler », eu égard à la sensation douloureuse que le contact de la plante occasionne. Deux espèces se partagent majoritairement le paysage européen : la grande ortie (Urtica dioïca) pouvant atteindre 1,50 mètres de hauteur et l’ortie brûlante (Urtica urens), plus discrète en taille mais à la piqûre plus douloureuse. Plante vigoureuse, essentiellement sauvage mais aussi cultivée, l’ortie constitue une véritable panacée pour qui sait dépasser ses défenses.

Une histoire millénaire
Cultivée comme légume et plante textile depuis près de 9000 ans, l’ortie a accompagné le développement des grandes civilisations humaines. De l’Egypte ancienne où ses graines étaient utilisées pour leur huile jusqu’au Moyen-Âge et à la Renaissance où elle fut cultivée comme fourrage et pour sa fibre textile, en passant par les grands médecins de l’Antiquité gréco-romaine exploitant ses vertus santé, l’ortie a su dévoiler ses ressources. Aujourd’hui encore, elle est cultivée en Allemagne pour ses fibres creuses et très résistantes comparables à celles du chanvre ou du lin à partir desquelles peuvent être tissés vêtements, linge de maison, voiles de bateau, filets de pêche,... et même billets de banque ! L’exploitation de ces fibres permet également d’obtenir des résidus entrant dans la « filière lignocellulosique » à partir de laquelle sont produits des biocarburants. Très résistante aux maladies et productrice d’une importante biomasse en peu de temps, l’ortie offre des perspectives d’avenir à la fois riches et écologiques à ces secteurs technologiques. Mais plus encore, l’intérêt renaissant pour ses vertus nutritionnelles et médicinales révèle un trésor depuis trop longtemps enfui !



Or vert dans l’assiette

Même si certains animaux (chèvres, lapins, escargots,…) semblent insensibles à ses piqures et s’en délectent manifestement, l’ortie, au simple souvenir cuisant de son contact, passe pour une invitée plutôt hostile dans l’assiette. Sachez pourtant que son pouvoir urticant disparaît après quelques heures de séchage (environ 15 h après récolte) et que le broyage ou la cuisson l’élimine aussi. Plus aucune excuse dès lors (à part celle de la récolte que l’on conseille de faire avec des gants) pour ne pas en profiter !
L’ortie est en effet une - si pas « LA » - des plantes sauvages les plus riches en protéines (près de 40% en poids sec et 13% en poids frais), comparable donc au soja. Protéines, qui plus est, complètes puisque comprenant les 8 acides aminés essentiels que l’homme ne peut synthétiser. Elle est donc très intéressante à inclure dans un régime alimentaire, végétarien de surcroît ! Extrêmement concentrées en minéraux (calcium, fer, cuivre, soufre, zinc, manganèse, sélénium, bore, silicium,… soit près de 24 % du poids sec) et vitamines (B5, B6, B9, E et K), 100 grammes de ses feuilles fraîches apportent (en comparaison des Apports Journaliers Recommandés (AJR)) : 400 % des AJR en vitamine C, 625% des AJR en provitamine A (beta-carotène), 144 % des AJR en vitamine E, 106 % des AJR en calcium et 93% des AJR en fer !

« Qui dit mieux ? », pour une plante aussi facile à trouver, serait dès lors la seule question pertinente ! Toute la plante est en outre utilisable puisque les racines sont, par exemple, deux à trois fois plus riches en fer que les feuilles. Les graines quant à elles contiennent 30% d’huile riche en acides gras insaturés, surtout oméga 6. Il est conseillé pour un usage alimentaire de la récolter jeune (elle sera moins fibreuse) et de ne prélever que les extrémités (4 ou 6 dernières feuilles). Prenez soin également de la récolter dans un environnement protégé, car si elle accumule les éléments nutritifs, elle peut en faire de même des métaux lourds. Evitez donc le bord des routes ! Une fois récoltée, elle peut être consommée crue (après mixage !), incorporée par exemple à un pesto, cuite à l’étouffée (avec de l’ail… un délice !), préparée en potage, en quiche, en hummus à tartiner, en alcool,... Bref, seule votre imagination pourrait être limitante ! Les balades invitant à la découverte et à la cuisine des plantes sauvages sont un excellent moyen de s’initier à ces préparations. Outre cela, à la frontière entre l’alimentaire et le médicinal, les tisanes (de feuilles) et décoctions (de racines) montrent elles aussi que l’ortie possède mille vertus.

Que ton aliment soit ton médicament
Qui plus que l’ortie pourrait illustrer cette parole d’Hippocrate (père de la médecine) ? Sa teneur en minéraux (notamment calcium et silice), mais aussi en chlorophylle (pigment lui donnant sa belle couleur vert foncé), en flavonoïdes, en stérols, en polysaccharides, en tannins et bien d’autres composés lui confère des propriétés médicinales incontestables et vantées depuis des siècles. Grande dépurative en même temps que reminéralisante, ses indications vont de l’arthrose à la goutte (en tisane, extrait fluide) en passant par l’allergie, l’acné, l’eczéma, le psoriasis, la perte de cheveux ou encore la fatigue chronique. Sa richesse en fer et ses propriétés astringentes (ressert les tissus) ainsi qu’antihémorragiques en font une alliée de choix pour les règles abondantes et l’anémie qui peut en découler. Sa poudre de racines est également un remède de l’hypertrophie bénigne de la prostate utilisé en Allemagne. En tisane, gélules, extrait fluide, teinture-mère, cataplasmes, ses pouvoirs curatifs sont merveilleux et simples d’accès !

L’alliée du jardinier
Et surtout n’oublions pas le bienfait que représente, pour la croissance des plantes, le célèbre purin d’ortie (une portion d’orties pour neuf portions d’eau à laisser macérer 3 semaines en remuant régulièrement. S’emploie dilué à 5 à 10% au jardin). Très efficace contre pucerons, acariens et diverses maladies fongiques, il n’a de désavantage que celui d’être trop simple et performant ! Ce qui lui vaut une tentative d’interdiction par action en justice en France !

Encore une preuve s’il en faut, que seuls les grands trésors font des envieux et que l’on perdrait beaucoup à ne pas redécouvrir celui de cette plante injustement impopulaire.

Charline Nocart

POUR EN SAVOIR PLUS :
• Les vertus de l’ortie, de Yves Tissier, Editions Le Courrier du livre.
• Guide nutritionnel des plantes sauvages et cultivées, de François Couplan, Editions Delachaux et Niestlé
• www.cuisinesauvage.org
• www.floramedicina.com



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