Se nourrir en conscience
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Se nourrir en conscience



Et s’il s’agissait encore plus simplement de se nourrir en présence ? Non seulement mettre toute son attention, mais aussi tout son corps, dans le geste alimentaire. Afi n que tous nos sens fassent le lien entre notre assiette et nous. Être présent à ce que l’on mange serait dès lors le premier pas pour être pleinement et durablement vivant, corps et âme…





La planète est actuellement aux prises avec une véritable « crise » alimentaire, balancier infernal oscillant entre la malnutrition des uns et la malbouffe des autres. Sorte de miroir déformant de notre déconnexion à la Vie avec un grand « V », cette situation macroscopique fait tristement écho à la déconnexion évidente que la plupart d’entre nous entretient avec le vivant, qu’il s’agisse du vivant à l’extérieur de nous ou, pire, du vivant à l’intérieur de nous. Lorsque l’on ne s’écoute plus, on ne se comprend plus, on ne s’accepte plus. On devient alors une coquille vide ballotée au gré des modes alimentaires, des avis des uns et des autres, de nos propres jugements, des tempêtes émotionnelles ou des variations chaotiques des chiffres de la balance… Être présent à l’acte de se nourrir devient alors une ancre, un moyen de retrouver pied dans sa propre vie, de devenir acteur conscient de ses choix, pour la planète bien sûr, mais aussi pour soi, car la bienveillance pour les autres ne saurait aller sans la bienveillance pour soi. Alors, qu’il s’agisse de maigrir sans « s’aigrir » ou simplement de vivre la pleine santé en adéquation avec les besoins de notre nature et de « La » Nature, pourquoi ne pas surfer sur cette vague de la Pleine Conscience alimentaire (Mindful Eating des anglosaxons) pour être mieux avec soi et mieux avec le monde ?

Pour quoi manger ?

Le « pourquoi » en un mot appelle bien sûr des réponses telles que « avoir de l’énergie », « ne pas mourir », mais aussi « pour le plaisir », « parce que je suis gourmand », voire « parce qu’il faut bien » pour les moins convaincus. Dans le contexte actuel de l’épidémie de surpoids, des réponses à la question « pourquoi avez-vous mangé ? » s’apparentent souvent à « je ne sais pas », « parce que je m’ennuyais », « parce que j’étais en colère », « parce que c’était l’heure », « parce que j’aurais eu faim en plein milieu de ma réunion »… En bref, elles reflètent bien plus une connexion au monde extérieur, à ses tentations et ses tempêtes plutôt qu’à nos réels besoins intérieurs. Car au « pour quoi » manger, il est possible de répondre « pour fournir à mon corps les nutriments lui permettant de fonctionner de manière optimale », « pour me sentir plein d’énergie et d’allant », ou encore « pour me sentir en forme et avoir l’esprit clair ». Que l’on se place sur le plan matériel de la physiologie ou sur le plan plus énergétique de l’humeur, il est évident que notre corps, pour être en santé, doit obéir à des lois qu’il contourne malheureusement très souvent, victime de sa propre plasticité et capacité à endurer les pires sévices alimentaires avant que les premiers dysfonctionnements n’apparaissent. Les plus ignorants comme les plus savants en nutrition peuvent bien l’admettre, répondre à la question « que faut-il manger pour aller bien ? » est quasi devenu le défi du siècle. Entre les « mangez plus de glucides », « mangez cru », « manger plus de gras », « mangez à telle heure » et autres « mangez paléo », comment s’y retrouver ?! Une piste pour y arriver : revenir à soi !

La faim de sens

Car quel est le sens de l’acte de s’alimenter ? Bien sûr, il peut s’agir de répondre à une réelle faim physiologique. Notre corps ne se nourrit pas de viande, pâtes ou légumes, il se nourrit de glucides (sucres), de lipides (graisses), de protéines, de vitamines, de minéraux, d’eau ! Plus les aliments avalés concentrent en une petite quantité ces éléments indispensables, plus nous pouvons nous contenter de peu pour être rassasiés. Au contraire, ce même corps criera famine et fatigue perpétuellement s’il est alimenté d’aliments transformés de piètre qualité nutritionnelle ! En admettant que cette qualité nutritionnelle soit rencontrée, la première question essentielle est donc « ai-je vraiment faim ? ». Pour y répondre, il faut se connaître ! Comment se manifeste la faim chez vous ? Quelle partie du corps est affectée ? Faire l’expérience de sauter, par exemple, le petit-déjeuner afin de prolonger de quelques heures le jeûne de la nuit est une piste pour ramener ces sensations à la conscience. Il est essentiel pour « bien » se nourrir de renouer ce contact avec nos besoins propres, avec nos sensations, qu’il s’agisse de celle de faim ou de satiété ! Nombre de problèmes de surpoids viennent de cette déconnexion avec les messages du corps capable, mieux que n’importe quel expert en nutrition, de dire « stop » ou « encore ». En aidant à l’observation de ces sensations, en portant l’attention sur les émotions, les contextes ou les réflexes susceptibles d’influencer nos prises alimentaires, les techniques de pleine conscience nous reconnectent à nos limites, saines, espéronsle, et aussi à la responsabilisation (et non la culpabilisation !) face à leur dépassement.

…et des sens

La pleine conscience alimentaire est donc aussi la pleine présence à nos sens ! Trop souvent réduite à une affaire de « goût », l’alimentation réapprivoise alors l’odorat, la vue, le toucher, voire l’ouïe ! Pour cela elle réclame un allié précieux : le temps !! Prendre le temps est la clé ! Le temps de regarder dans le calme le contenu de son assiette pour mieux savoir comment le rendre plus beau à nos yeux, toucher en la préparant la nourriture qui va nous reconstituer (et non nous remplir), l’humer à plein nez (cela vous fait-il vous « sentir » bien ?), voire l’écouter ! Nos sens seront aussi la clé pour faire face à ce qui creuse le lit de bien des problèmes alimentaires : la faim psychologique. Car, lorsqu’à la question « mon corps a-t’il faim ? » la réponse est non, cette dernière va pourtant pousser à s’alimenter (et donc à stocker puisqu’il n’y a pas de réel besoin nutritionnel) pour compenser ennui, contrariété ou habitude (le fameux « craquage » en rentrant du boulot) par seule satisfaction immédiate du goût (peu importe l’aliment, pourvu qu’il y ait l’ivresse !). Là encore, retrouver le calme par une respiration profonde et consciente, satisfaire l’odorat par la respiration d’une huile essentielle aimée, nourrir le toucher par le contact avec un être (humain, animal, voire végétal !) cher, rassasier l’ouïe d’une musique appréciée,… sont autant de moyens de retrouver le plaisir. Il y a fort à parier que remettre de la conscience, du regard et de la réfl exion dans l’assiette aboutirait pour nombre de personnes à des choix plus respectueux d’euxmêmes, amis aussi de l’équilibre environnemental du monde : retour à des aliments non transformés, consommation réduite de viande dans le respect de l’animal, agriculture respectueuse de la Nature,… Des « demon » à un « mon-de » meilleur, il n’y a donc qu’un choix de sens.

Charline Nocart

POUR EN SAVOIR PLUS :
• Manger en pleine conscience, de Jan Chozen Bays, Gérard Apfeldorfer et Jon Kabbat-Zinn, Editions Les Arènes
• Les erreurs qui vous empêchent de maigrir, de Pierre Van Vlodorp, Véronique Liesse et Magali Castro, Editions Alpen
• Manger en paix, du Dr Gérard Apfeldorfer, Editions Odile Jacob
• Maigrir par la cohérence cardiaque, de David O’Hare, Editions Thierry Souccar
• La vie en abondance, de Irène Grosjean, Editions Biovie
• www.mangerenpleineconscience.org
• www.mincitherapie.org
• www.thecenterformindfuleating.org



Paru dans l'Agenda Plus N° 310 de Septembre 2019
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