Néo-chamanisme L’appel animiste de l’âme occidentale
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Néo-chamanisme L’appel animiste de l’âme occidentale



Véritable voie que l’on pourrait qualifier d’éco-spirituelle, le néo-chamanisme permet de concevoir des rituels, de soigner ou encore d’entrer en état modifié de conscience pour communiquer avec les mondes spirituels. C’est aussi une invitation à quitter les valeurs matérialistes et capitalistes, responsables des crises que l’on connaît, pour purifier l’âme humaine et celle de la Terre.





Le mot « chaman » provient du terme « šamán » issu de la langue toungouse (Mongolie) qui signifie « danser, bondir, remuer, s’agiter ». Il a ensuite été adopté par les Russes en interaction avec les peuples autochtones de Sibérie, puis très largement utilisé par les anthropologues occidentaux pour s’appliquer à tout être humain qui se présente comme l’intermédiaire entre le monde des hommes et celui des esprits. Le chaman est à la fois « sage, thérapeute, conseiller, guérisseur et voyant ». Il est l’initié ou le dépositaire de la culture, des croyances, des pratiques et rituels chamaniques et même d’une forme de « secret spirituel ».
On pourrait dire que le néo-chamanisme naît en 1968 avec la publication du premier livre de Carlos Castaneda « L’herbe du diable et la petite fumée ». Dans cet ouvrage et les 12 qui suivront, ce docteur en anthropologie américain décrit ses rencontres et ses incroyables expériences avec un chamane indien d’origine yaqui, nommé Don Juan Matus. Ayant connu un grand succès, ces ouvrages ont permis à de nombreux occidentaux de découvrir le chamanisme et les mondes invisibles à l’oeuvre derrière les forces de la Nature. Couplée à la contre-culture occidentale et au « flower power » prôné par le mouvement hippie, il n’en fallait pas plus pour voir émerger de nouvelles formes de chamanisme, véritables traits d’union entre Occident et Orient.
Citons également l’anthropologue Michael Harner qui a contribué au retour des pratiques chamaniques en Occident grâce à la parution, en 1980, de son best-seller « Chamane », une vision néo-chamanique regroupant des techniques transcendant les contextes culturels spécifiques.

Vision néo-chamanique

Contrairement aux traditions chamaniques dont les contours sont plus ou moins délimités, le néo-chamanisme n’est pas un système de croyances et de pratiques unifié et cohérent, mais un terme générique qui rassemble de nombreuses philosophies et activités. Cependant, certaines lignes de force peuvent être dégagées : les ‘néo-chamans’ croient tous aux esprits et entrent en contact avec divers mondes spirituels grâce, notamment, à des états modifiés de conscience provoqués par l’utilisation de la danse, des percussions (tambour), méditations, transes individuelles et collectives, fumigations ou encore l’utilisation d’enthéogènes (1)
. Semblable à d’autres mouvements plus modernes, tels que les pratiques de la « Wicca » ou le « néo-paganisme », le néo-chamanisme est donc un syncrétisme basé sur une réinterprétation des pratiques chamaniques traditionnelles, tout en restant plus centrée sur l’individu.
C’est d’ailleurs cette focalisation sur l’individu qui l’éloigne des usages traditionnels, tout en la rendant beaucoup plus accessible. Ainsi, tout pratiquant peut s’autoproclamer ‘néochaman’, voire ’chaman’ tout court, même s’il n’a jamais été formé par un chaman traditionnel de culture indigène. Beaucoup apprennent par les livres et l’expérience ou assistent à des ateliers et des retraites où ils étudient une grande variété de techniques anciennes et nouvelles. C’est la raison pour laquelle le néo-chamanisme a souvent mauvaise presse auprès des cultures traditionnelles qui y voient, entre autres, les signes d’une rupture avec les Traditions Ancestrales Sacrées.
Selon Tatiana Boulgakova, professeure d’anthropologie et d’ethnologie à l’Université Herzen en Russie, il existe une autre différence majeure entre le chamanisme et le néochamanisme : celle du rôle de la peur. En effet, rares sont les néo-chamans qui intègrent l’ombre, les échecs ou la malveillance dans leur mythologie. Ce qui diffère avec l’initiation traditionnelle du chamane qui implique souvent la douleur, la difficulté de diverses épreuves et la peur.
Par ailleurs, le néo-chamanisme ayant parfois des relations étroites avec le « New Age », il a non seulement tendance à écarter l’existence du mal, mais également à se transformer en un simple « outil de bien-être » ou « de salut » individuel. Ce qui n’a plus rien à voir avec les racines ancestrales du chamanisme.



Quel apport aujourd’hui ?

Grâce au néo-chamanisme, nous pouvons expérimenter la communication directe avec les esprits de la Nature et les formes de vies invisibles qui habitent le monde et même d’autres plans. Nous pouvons également apprendre à améliorer notre santé et celle des autres. Il est aussi possible de s’engager sur la voie du bonheur, grâce au développement spirituel proposé par certaines pratiques qui permettent d’aller ‘au-delà de nous-mêmes’.



Les méthodes néo-chamaniques offrent également la possibilité d’entrer dans une compréhension plus vaste du fonctionnement de la Nature, de l’Univers et de l’Essence-Unité en amont de chaque être vivant. A noter : pour tous les curieux, les insatisfaits et les chercheurs, pour qui le chemin de la guérison des blessures du passé peut parfois être douloureux, voire interminable, le néo-chamanisme peut non seulement aider à guérir ces blessures ‘personnelles’, mais également nous aider à accepter et à apaiser les blessures ‘collectives’ de l’âme humaine. De plus, sa pratique nous permet de devenir lucides, sans souffrance et sans peur, face aux enjeux planétaires. Ce qui est particulièrement utile dans ces moments de grandes instabilités… Tout en ré-enchantant notre quotidien, le néo-chamanisme permet de revisiter les anciens rituels et d’en inventer de nouveaux pour célébrer, transformer, remercier, guérir, honorer. Une invitation à entrer en relation avec les dimensions invisibles afin de soigner et redonner du sens à une humanité et une Terre qui en ont de plus en plus besoin.

Olivier Desurmont

1. substance psychotrope induisant un état modifié de conscience utilisé à des fins spirituelles ou chamaniques.

RÉFÉRENCES :
• « Néo-chamanisme : repenser les animaux totems » de Lupa aux Ed. Danaé
• « Du tourisme au néochamanisme » de Vincent Basset chez L’Harmattan
• « Ayahuasca. Néo chamanisme, néo ayahuasca néo sapiens » de Sébastien Cazaudehore chez Bussière
• Wikipédia



Paru dans l'Agenda Plus N° 312 de Novembre 2019
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