L’EMDR quand la parole ne suffit pas…
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L’EMDR quand la parole ne suffit pas…



L’EMDR est une méthode innovante qui encourage le patient à se concentrer brièvement sur le souvenir d’un traumatisme, tout en étant simultanément soumis à une stimulation bilatérale (généralement des mouvements oculaires). Objectif ? Réduire rapidement les émotions associées aux souvenirs négatifs tout en libérant la capacité innée du cerveau à générer une solution adaptative.





Le terme EMDR est l’acronyme de « Eye Movement Desensitization and Reprocessing » (désensibilisation et reprogrammation par des mouvements oculaires). Cette méthode thérapeutique a été développée par la psychologue américaine Francine Shapiro dans les années ‘90.
C’est en 1987, lors d'une promenade dans un parc, que Francine Shapiro découvre que lorsqu’elle balaye le paysage du regard (rapides mouvements horizontaux des yeux), cela atténue ses pensées négatives et ses angoisses dues au cancer. Elle débute alors des essais cliniques sur un groupe de volontaires, puis sur des vétérans du Vietnam au « Mental Research Institute» de Palo Alto, avant d'en publier les résultats en 1989, formalisant la méthode EMDR.

A noter : bien que l’EMDR soit connue comme ‘la thérapie avec les mouvements des yeux’, l’aspect ‘mouvements des yeux’ ne représente qu’une petite partie d’un processus par étapes beaucoup plus vaste. D’ailleurs, Francine Shapiro découvrira ensuite que les signaux sonores, lumineux ou encore les tapotements controlatéraux produisent les mêmes effets que les mouvements oculaires.

L’EMDR a pourtant gardé son nom d’origine. Selon l'EMDR Research Foundation, l'EMDR a été validé cliniquement par plus de 30 études randomisées et contrôlées.
Cette approche progressive et ciblée du traitement des traumatismes (et d'autres expériences négatives de vie non intégrées) permet au patient de se reconnecter de manière sûre et mesurée aux images, aux pensées, aux émotions et aux sensations corporelles associées à un traumatisme précis, tout en permettant aux pouvoirs de guérison naturels du cerveau d’agir efficacement.
La méthode se base en effet sur l’idée que l’impuissance et la solitude qui surviennent lors d'un traumatisme ou de toute expérience négative met en échec la capacité naturelle du cerveau à guérir. Le processus de retour à l’équilibre peut être facilité par une stimulation bilatérale pendant que le patient revit le traumatisme visualisé dans son contexte d’origine (tout en étant en sécurité dans l'environnement du cabinet du thérapeute).
Ainsi, grâce à l'EMDR, les individus « retraitent » en toute sécurité les informations traumatisantes jusqu'à ce qu'elles ne perturbent plus psychologiquement leur vie. Au fil du temps, l'exposition à des souvenirs traumatisants n'induit plus de sentiments négatifs et de symptômes pénibles.

Déroulement d’une séance
La thérapie EMDR suit un modèle en 8 étapes validées scientifiquement :
1. Anamnèse. Le thérapeute prend d’abord connaissance des antécédents du patient : traumatismes passés, éventuels épisodes dépressifs ou psychotiques, problèmes actuels de relations, etc. Le thérapeute vérifie que le patient dispose de suffisamment de stabilité pour affronter la charge émotionnelle de ce genre de thérapie. Les questions sont précises et neutres pour éviter de ré-ouvrir imprudemment de vieilles blessures. Une description trop détaillée de la scène traumatisante peut émouvoir inutilement le patient. Parfois, patient et thérapeute préparent une « carte » des traumatismes, résumant le parcours de vie passé.

2. Préparation/stabilisation. Il s’agit souvent là de la phase la plus importante de tout le traitement. Le patient doit être renforcé et stabilisé. Les premières séances serviront à installer un climat de confiance. Certains exercices d’imagination (visualisation guidée) permettent au patient de créer un endroit intérieur imaginaire, « un lieu sûr ». Il apprend à utiliser différentes techniques, qui lui permettent de se protéger et de se distancer rapidement d’émotions trop fortes. Un sentiment de compétence et de confiance en soi se développe. Le thérapeute s’informe de toutes les ressources à disposition (activités de loisir ou artistiques, sport, souvenirs positifs, amitiés…) qui soutiendront le patient dans ce bref voyage thérapeutique.

3. Evaluation. Cette étape comporte sept questions au cours desquelles le thérapeute va déterminer et évaluer l’image la plus représentative (ou la pire) du souvenir qui pose problème, ou de la situation actuelle déclenchant la détresse ou encore de la situation future projetée comme difficile pour le patient.

4. Désensibilisation. Le thérapeute convie le patient à garder à l’esprit l’image-cible, la pensée négative et les sensations physiques associées. Vient ensuite la phase de stimulations bilatérales alternées par le biais de mouvements oculaires (le patient suit des yeux les doigts du thérapeute ou un objet en mouvement), de stimulations tactiles (le thérapeute tapote de manière alternée le dos des mains, les épaules ou les genoux du patient) ou encore de stimulations auditives.

5. Ancrage/installation. Une fois le souvenir cible « désensibilisé » (seuil de perturbation à 0 ou 1), le thérapeute débute la phase d’installation. Le thérapeute utilise les stimulations bilatérales pour installer une nouvelle idée positive et vérifie ensuite que la pensée positive associée à l’image-cible ne perturbe plus le patient.

6. Test corporel. Le praticien demande au patient, alors qu’il pense à la situation et à la cognition positive, d’effectuer un « scan corporel » passant en revue toutes ses sensations corporelles des pieds à la tête.

7. Clôture. Le thérapeute termine la séance par un petit débriefing en réorientant le patient sur le présent. Il veille à ce qu’il quitte la consultation en étant stable émotionnellement, que le traitement soit terminé ou non.

8. Réévaluation. A chaque séance, le thérapeute réévalue où en est le patient en vérifiant, par exemple, les ressentis et les sensations corporelles en corrélation avec la situation traitée.

Une séance standard dure en général 60 minutes. Le nombre de séances varie selon la gravité de l’événement à traiter. Francine Shapiro rapporte des traitements réussis en une seule séance, mais il est préférable pour un traumatisme simple de compter 4 à 5 séances.

A noter : selon l'EMDR Institute Inc., des études montrent que 84 à 90 % des victimes d'un seul traumatisme ne souffrent plus de troubles post-traumatiques après seulement 3 séances.

Même si, à l’origine, l’EMDR était principalement utilisée pour traiter les traumas, on sait aujourd’hui que son terrain d’application est beaucoup plus large. L’EMDR est ainsi efficace en cas de pensées négatives, de peurs liées à une maladie grave, dans la gestion de douleurs fantômes, d’assuétudes, lors d’épisodes dissociatifs, de dépression chronique ou encore de psychose.



Olivier Desurmont

Ressources :
• « L’EMDR - Histoire, méthode et techniques pour se libérer de ses traumatismes et dépasser ses blocages » de Christophe Marx aux Ed. Eyrolles
• « Petits maux, grands traumas. De l’EMDR à l’IMO une nouvelle voie de guérison » de Roxane Colette aux Ed. Guy Trédaniel
• emdr-belgium.be, association nationale des thérapeutes reconnu en EMDR.



Paru dans l'Agenda Plus N° 338 de Juin 2022
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