VITAMINE D, « D » comme « Déficit » ?
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VITAMINE D, « D » comme « Déficit » ?



Elle hante les récits des grand-parents retraçant l’épouvantable torture des « cures d’huile de foie de morue » administrées « pour avoir de bons os ». Elle est l’un des sujets de recherche privilégiés de la nutrithérapie moderne avec des centaines d’études publiées chaque année démontrant ses rôles majeurs dans l’équilibre de santé. Son nom ? La vitamine D !





Nous devrions plutôt dire « les » vitamines D car ce terme générique regroupe une dizaine de formes vitaminiques liposolubles (soluble dans les graisses) dont les deux plus connues et étudiées actuellement sont la vitamine D2 (ou ergocalciférol) issue du règne végétal et la vitamine D3 (cholécalciférol) issue du règne animal. L’homme est capable de la synthétiser au niveau de la peau à partir d’un précurseur du cholestérol. Ce dernier est alors converti en provitamine D (le cholécalciférol caractéristique des animaux) devant lui-même subir deux transformations, au niveau du foie d’abord (où elle est convertie en 25-OH D3 appelée aussi » calcidiol ») et des reins ensuite pour aboutir à la forme active de la vitamine, appelée 1,25 (OH)2 D3 ou plus simplement calcitriol. Identifiée en 1922, sa présence et son rôle dans la santé osseuse avaient été étudiés dès le début du 19ème siècle dans l’huile de foie de morue. On avait ainsi découvert son rôle majeur dans la prévention du rachitisme, affection infantile se traduisant par une mauvaise minéralisation du squelette avec déformations importantes. Aujourd’hui, l’étude de ses actions va bien au-delà de la seule santé osseuse et les risques associés à son déficit n’en paraissent que plus dangereux. Alors de quoi parle-t-on ?

Où ? Pour quoi ?

Comme évoqué plus haut, plus de 80 % de notre vitamine D interne provient d’une synthèse propre sous l’action des rayons du soleil. La part restante, assez faible, est quant à elle apportée par l’alimentation, surtout animale. Les végétaux contiennent en effet assez peu de vitamine D, avec leurs représentants les plus riches que sont les champignons apportant environ 1 μg/100g. Les principales sources animales sont les poissons gras (saumons, maquereaux, harengs, sardines … en apportent environ 10 à 20 μg/100g), les coquillages, le jaune d’oeuf, le foie. Malheureusement, dans notre société moderne, tant la synthèse endogène que les apports alimentaires font défaut. Nous sommes en effet de plus en plus sédentaires, exerçons la majorité de nos activités en intérieur et lorsque nous sommes à l’extérieur, la majorité de notre surface corporelle se trouve couverte par les vêtements ou badigeonnée de crème solaire à haut indice de protection ! Il en résulte qu’à l’exception de la zone équatoriale, sous des latitudes supérieures à celles des Pyrénées, l’exposition solaire est nettement insuffisante pour assurer un taux optimal de vitamine D dans l’organisme. On observe ainsi, sous nos climats tempérés, une corrélation troublante entre les faibles taux sanguins de vitamine D et l’occurrence de pathologies telles que les cancers, les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’obésité, la dépression, …Toutes ces pathologies dites « de civilisation » ont en commun d’être favorisées par un terrain inflammatoire chronique. Or, la vitamine D intervient notamment dans la modulation de l’inflammation. On sait aujourd’hui qu’elle régule aussi le système immunitaire (allergies, psoriasis, maladies auto-immunes, …), agit sur l’expression de plus de 200 gènes et donc des métabolismes comme ceux de l’insuline ou encore la différenciation cellulaire (et donc le contrôle des processus cancéreux !). Tout cela en plus de son effet avéré dans les pathologies osseuses (ostéoporose,…), dans la prévention des fractures et des chutes (elle stimule la force musculaire) et celle des pathologies hivernales (son faible taux en hiver lié au peu d’ensoleillement serait en partie responsable de la plus grande susceptibilité aux virus). Plus qu’une vitamine, on lui prête donc aujourd’hui le rôle d’hormone indispensable à un nombre toujours croissant de processus … Alors quid si l’on en manque ?

Combien ? Comment ?

Le débat fait toujours rage entre experts, autorités de santé, laboratoires, … dont la conclusion émergente semble néanmoins que la majorité de la population des pays tempérés est en carence (80% de la population française). Les experts crient au scandale sanitaire en citant des chiffres alarmants d’accouchements prématurés, de morts par infarctus ou cancers, … qui pourraient être évités si les recommandations nutritionnelles des autorités de santé étaient plus au fait de la recherche. Le statut en vitamine D (souvent mesuré sur base du taux sanguin de 25 OH D3) est exprimé dans les prises de sang en ng/ml (nanogrammes par millilitre) ou en nmole/L (nanomoles par litre de sérum). Le consensus actuel situe les chiffres requis pour une bonne santé, autour de 30 à 50 ng/ml (multipliez par 2.5 pour avoir les valeurs en nmoles/L). Certains experts estiment même que des valeurs doubles seraient souhaitables et qu’en deçà d’un certaine taux (20 ng/ml), le risque de certaines maladies (cancers du sein, du côlon, ...) se voit significativement augmenté!

Une supplémentation indispensable ?

Oui, sous nos latitudes ! Tel est la recommandation pour tous durant l’hiver, entre octobre et avril. Bien sûr l’huile de foie de morue (aujourd’hui disponible en capsule) reste une solution, mais les teneurs en vitamine D n’y sont pas toujours standardisées. Privilégiez donc des compléments sur base huileuse (huile de poisson, huile végétale) à teneur connue en vitamine D3 naturelle (la vitamine D2 est 2 à 3 fois moins assimilée). Les teneurs des compléments sont exprimées en μg (microgrammes) ou en unités internationales (UI, sachant que 1 UI = 40 μg). Les apports actuellement recommandés (200 à 400 UI) seraient largement insuffisants pour obtenir un bénéfice santé. Les experts plaident donc pour une recommandation de 1000 UI par jour en moyenne, pendant les mois d’hiver pour enfants et adultes, toute l’année pour les seniors au-delà de 60 ans. Cela en plus d’une exposition régulière (2 à 3 fois par semaine au moins) au soleil, soit au moins un quart d’heure, entre 11h et 15h, bras et jambes découverts. Et c’est un minimum ! Chez les femmes enceintes et les personnes dont la prise de sang révèle une carence (taux inférieur à 30 ng/ml), il serait plus judicieux de monter à 2000 voire 3000 UI. Il s’agit d’une valeur moyenne car il est bien connu que certaines populations (personnes en surpoids, seniors dont la peau plus fine synthétise moins bien la provitamine D, personnes au teint mat,...) pourraient bénéficier d’apports plus élevés. On estime à ce jour qu’une dose journalière de 10.000 UI resterait sécuritaire. Mais sans aller vers ces doses massives, s’il suffisait simplement de se reconnecter à un mode de vie plus sain où alimentation de qualité et activité en plein air feraient partie du quotidien, toute l’année, pour redonner à notre corps son pouvoir photosynthétique ?!

Charline Nocart

DE BONNES SOURCES POUR EN SAVOIR PLUS ET COMMENCER :
• Nutrithérapie -Bases Scientifiques et Pratique Médicale, Dr Jean-Paul Curtay, TESTEZ éditions (2017)
• Vitamine D, Mode d’emploi, Dr Brigitte Houssin, Thierry Souccar Editions (2011)



Paru dans l'Agenda Plus N° 291 de Octobre 2017
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