La langue des oiseaux
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La langue des oiseaux



Interview de Baudouin Burger

«La langue des oiseaux», le nouvel ouvrage de Baudouin Burger publié chez Louise Courteau, se consacre à l’étude de ce langage métaphorique où les sons créent des «jeux de mots» inconscients, révélant un nouveau sens à ce qui est exprimé. Nous avons voulu en savoir plus... Rencontre avec l’auteur.





AGENDA Plus : Baudouin Burger, qu’est-ce que «La langue des oiseaux» ?
C’est une langue qui récuse le sens exclusif du langage propagé par les idéologies contingentes. Au lieu d’être une langue uniforme reposant sur le sens propre, voir figuré et très vite restreint, la langue des oiseaux repose sur un schéma baroque, accueillant les analogies sonores, recherchant l’étymologie, interrogeant les expressions populaires. Son but est de se débarrasser du carcan langagier pour partir à l’aventure du sens. Sa limite est de rester une parole cohérente et ses qualités demeurent : le plaisir des jeux de mots qui confronte la parole plate des discussions où on écoute si peu, l’étonnement d’un autre sens que l’on ne connaissait pas et la révélation parfois d’un enseignement traversant les contextes, celui des sages.

A+ : Pouvez-vous nous donner quelques exemples éloquents ?
Si nous prenons un exemple qui n’est pas dans le livre, regardons ce qu’on appelle la crise économique. Du point de vue du sens «propre», c’est un non-sens car ce n’est pas ‘LA éCoNoMIE’ des actionnaires et multinationales qui est en crise, mais les économies des petites gens, en plus de leur emploi. Le sens ancien d’économe, donc de faire des économies, a été déformé en consommation quasi obligatoire, donc de dettes, que je ne fasse pas d’économie, à l’opposé du sens premier. Prenons un autre exemple, dans le livre celui-là, avec l’expression : il me vient une idée. Ici, le sens littéral réfère à l’ancienne philosophie grecque qui supposait que les idées sont dans l’air, sans qu’elles m’appartiennent réellement. Accentuons avec un jeu de mots : nos idées actuelles prétendument nouvelles sont souvent creuses à défaut d’être profondes. un autre exemple : quand je dis à l’enfant «C’est pas beau ce que tu as fait là», je lui apprends que la beauté est une valeur morale, comme ce qui est bon de faire, son homophone. un dernier : elle m’a dit très gentiment qu’elle ne m’aimait plus. Dans son cas, son air gentil-ment !

A+ : Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire ce livre ?
Deux éléments : mon métier de professeur de français-littérature au collège durant 33 ans, puis mon ancienne formation scientifique et technique où une question m’est revenue en mémoire qui avait été posée voilà longtemps à notre prof de chimie : l’alchimie existe-t-elle ? toujours curieux, j’ai consulté plus tard les livres réputés de Fulcanelli auxquels je n’ai rien compris, sauf ses remarques sur la cabale phonétique ou langue des oiseaux. L’idée m’a passionné et je me suis mis à expérimenter ce type de langage qui m’a conduit bien plus loin que je ne le pensais au niveau de la réflexion et des découvertes. Puis, c’est devenu un livre dont la première édition a été vite épuisée. Puis, cette seconde édition.

A+ : En quoi ce sens caché des mots peut-il nous être utile dans notre quotidien ?
La communication verbale repose souvent sur un malentendu : celui de supposer que deux personnes se comprennent lorsqu’elles parlent la même langue avec le même sens des mots. Rappelons-nous les explications de texte de jadis ! Ce qui est vrai, c’est que la communication sera plus proche lorsqu’elle reposera sur le plaisir, par exemple un jeu de mots. Alors, dans le quotidien, au lieu de révéler notre formidable quotient intellectuel à nos amis ou compagnon-compagne avec la théorie des quantas, faisons-les sourire avec les mots car le jeu c’est très sérieux ! Cependant, la langue des oiseaux va plus loin que le simple jeu de mots ou que la poésie, friande des images, elle est à la recherche du sens en supposant qu’il y a une parole vraie quelque part, celle qui colle au réel.

A+ : Êtes-vous en accord avec les psychanalystes qui affirment que l’inconscient s’exprime avec les jeux de mots pour faire passer des «non-dits» sous forme codée ?
C’est assez juste et c’est assez faux. C’est assez juste si la parole n’est pas contrôlée. Mais, l’inconscient s’exprime autant, sinon plus, par nos attitudes, nos expressions, nos frémissements. Aussi par les rêves et ses métaphores. Images et jeux de mots dépendent, pour les décoder, également de l’ouverture d’esprit du thérapeute et de son expérience ! Enfin, le jeu de mots inattendu peut révéler toute une sagesse autant que des traumas, alors qu’on s’arrête généralement à ces derniers.

A+ : La «langue des oiseaux» semble également particulièrement éloquente dans le domaine des «mal-à-dit», qu’en pensez-vous ?
J’ai écrit un petit chapitre sur le sujet, mais là encore je ne veux pas faire une loi absolue. J’en ai plein le dos [pour être poli] se traduit par : j’ai plein de soucis, plein de problèmes, ras-le-bol des autres. Ceci dit, quel est le remède pour se redresser ? un thérapeute ? Pas sûr, car bien peu sont compétents, c’est-à-dire osent ne pas savoir tout de suite ce qui se passe. un médecin et son médicament pour faire baisser l’angoisse et la colère ? un physiothérapeute pour redresser le corps ? une augmentation de salaire pour s’offrir quelques vacances et décompresser ? Chacun son remède, meilleur que celui du voisin pour soigner celui qui en a plein le dos ! Si le langage paraît expliquer ou exprimer, s’il donne parfois des indices par ses images, il guérit rarement automatiquement. Le mal-a-dit rejoint la pensée analogique des Anciens qui comprenaient le monde comme un emboîtement ou une superposition de différents plans. Ce n’est pas forcément idiot.

A+ : «Beau-doux-oint» [Baudouin], seriezvous un auteur bénit ?
Bravo ! C’est la première fois que l’on s’arrête à cette diphtongue finale de mon prénom. Serai-je à mon tour capable DE-SuR-MoN-t ce défi ? La rencontre des noms est intéressante : le mont dans le vôtre et la montagne dans le mien [berg en indo-européen].

A+ : Un dernier mot... pour la faim ?
Le dernier Mot ou les derniers MAux ? Je préfère m’arrêter sur la FAIM [dans le monde actuellement] qu’à la FIN [du monde en 2012]. La langue des oiseaux reste celle du JEu et du JE, du NouS et du NoÛS-la Connaissance en égypte, une langue sans FIN pour ceux qui ont FAIM de savoir !

Propos recueillis par Olivier Desurmont

Baudouin Burger «La langue des oiseaux», Louise Courteau Editrice




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