Ô, l’abeille
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Ô, l’abeille





Des files impressionnantes pour la réouverture des drives chez McDonald’s. Je pensais naïvement que nous étions sortis de ce monde-là, ce monde où le sucre qu’on biberonne au Peuple des Esclaves tue bien plus que le COVID-19. Je ne veux plus de ce monde. Je veux des merveilles toutes simples. De la ciboulette. De la menthe. Des poules et des oeufs. Du pain qu’on fait soi-même avec des farines belles et bonnes. Je ne veux plus de ces avions qu’on prend comme on prend un bus. Je veux faire des ateliers confi ture, couture, lecture. Je veux une recette de crêpes. Je veux marcher dans la forêt. Je veux faire des rituels qui rendent hommage aux saisons, aux solstices, ces choses qui nous dépassent et sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. Le sacré, il nous manque le sacré. La plante est sacrée. La petite fleur de ton jardin est sacrée. L’animal est sacré. L’escargot du fond de ton jardin est sacré. La vie est sacrée. Le ver de terre est sacré. L’abeille est sacrée. Ô, l’abeille. Nous aurions dû arrêter le monde -comme on l’arrête aujourd’hui- le jour précis où on a observé la chute de l’abeille. Je croirai dans le politique lorsqu’il annoncera que la priorité de l’Etat est de sauver les abeilles. Et qu’au départ de cette lutte, on reverra « tout ».

C’est possible de « tout » revoir au départ de la protection d’une abeille. On reverra les circuits courts. On reverra les pesticides. On reverra la 5G. On reverra les valeurs du travail. On apprendra à nos enfants la beauté du travail de l’apiculteur. On reverra les fleurs, les arbres, l’eau. On apprendra à nos enfants à admirer, à respecter, à célébrer, à goûter, à discerner. Il y a autant de sortes de miels qu’il existe de fl eurs. On apprendra la pollinisation. On reverra les valeurs de la solidarité. On reverra l’accueil des migrants. Un jour, j’ai tué une abeille, de peur qu’elle ne me pique. Un homme à côté de moi m’a dit : « C’est une abeille que tu viens de tuer… » Je garde de ce moment un très grand sentiment de honte. C’est le respect qui nous manque. C’est l’apprentissage du beau qui nous manque. Viens, mon enfant, regarde l’abeille. Regarde la graine qui donne la plante. Regarde la plante qui donne la graine. Regarde l’abeille. Ce sont des cours d’esthétique qui nous manquent. Ce sont des cours d’apiculture qui nous manquent.

Benoît Coppée
www.benoitcoppee.com



Paru dans l'Agenda Plus N° 317 de Mai 2020
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