Dansons, dansons, sinon, nous sommes perdus
Depuis longtemps, je remarque que les enfants dansent. Il suffit de les observer
dans les restaurants pendant les repas interminables de la famille : pourquoi ces
gosses gigotent-ils sans cesse? Il suffit d’un rythme, d’une pensée, et voilà qu’ils
trouvent la patience d’attendre le dessert en dansant.
Au-delà de l’énergie phénoménale qu’il a besoin d’exprimer, le corps d’un enfant
qui se libère malgré l’agacement des adultes, compose en les répétant des enchainements
canalisant des gestes impulsifs. Ils étudient le monde instinctivement, leur
souffle, le rythme et l’harmonie d’un équilibre précaire sur un ancrage mobile.
Depuis notre enfance, la vibration de notre vie ne peut s’empêcher de nous parler de notre véritable
nature. Guidés de façon adéquate, nous pourrions tout apprendre, et mieux, en dansant : mathématiques,
géométrie, musique, communication, poésie, médecine, spiritualité.
La danse parle de ce que l’on ne pourra jamais dire.
Aucune machine ne peut la reproduire fidèlement dans toute sa dimension parce qu’elle se vit au
présent. L’aura de grands danseurs comme Nijinsky ou comme Isadora Duncan que nous n’avons
jamais vus, continuent pourtant à nous inspirer, leur Art est un souffle vivant dans notre mémoire
mystérieusement collective.
Heureusement, la danse revient de plus en plus dans la civilisation moderne.
Comme l’eau et le vent, elle trouve les interstices par lesquelles infiltrer sa sagesse et sa folie humanitaire.
Pourquoi les hommes ne dansent-ils plus ? Peut-on oublier que, dans toutes les cultures, les
hommes ont toujours dansé ? En Asie ou en Orient, ils se déguisent en femmes, puisqu’elles en ont
perdu le droit. La danse des femmes troublerait trop les hommes ?
Pour retrouver la beauté de notre innocence, comme le disait Pina Baush*, «Dansons, dansons, car
sinon nous sommes perdus !».
Yumma Mudra, chorésophe,
auteur de « LA VOIE QUI DANSE »,
fondatrice du réseau pour danser la vie et vivre la danse «Danza Duende»
www.danzaduende.org
Paru dans l'Agenda Plus N° 271 de Octobre 2015