Le grand vent de la coopération... !
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Le grand vent de la coopération... !



Une des formidables mutations de notre époque est de passer de la logique de la compétition à celle de la coopération. Ce n’est pas rien, ni mince, c’est une révolution silencieuse parce qu’elle doit se faire à l’intérieur de nous-même dans notre relation aux autres et au monde, y compris dans notre relation à l’argent.





Dans le domaine de l’économie, il y a de-puis des dizaines d’années cette envie consciente ou inconsciente de s’expanser, de grandir et de manger les autres. Le capi-talisme nous a inculqué une espèce de loi de la jungle. Les sociologues qui s’amusent à voir comment les hommes assimilent des croyances « parce qu’elles sont dans l’air du temps » nous ont averti depuis des lustres : à vivre dans cette esprit de compétition depuis longtemps, cela nous en devient « normal ».

Les coopératives, créées depuis plus d'un siècle

Depuis longtemps, et déjà depuis le XIXème siècle, avec le mouvement ouvrier, sont nées diverses sociétés coopératives. Elles ont été très à la mode fin XIXème, début XXème, puis reléguées loin dernière la « gloire » des autres formes de sociétés de l’économie capitaliste tout au long du XXème siècle. Cha-cun sait que la mode est affaire de cycle. Il en va aussi de même pour l’économie.
Une coopérative (scrl) est une société au sens du code belge des sociétés, mais son avantage est que la responsabilité des membres est limitée à leurs apports. C’est une forme souple de société, qui permet d’entrer et de sortir du capital assez facile-ment, et qui pour le reste, est gérée comme la plupart des sociétés, par trois organes différents, une assemblée générale (le par-lement de la société), un conseil d’administration (ses ministres) et des directeurs opérationnels.
Alors qu’un énorme mouvement de concen-tration de sociétés s’opère avec la financia-risation de l’économie depuis les années 90, en parallèle, depuis une dizaine d’années, et amplifiées par le mouvement de la transi-tion et de « Demain », il y a un renouveau coopératif qui fait plaisir à voir, à vivre, à remplir des nouvelles fonctions dans la société.

Le renouveau des coopératives

Les coopératives de production d’énergie renouvelables ont pris leur essor avec le développement de l’éolien, mais pas uni-quement. D’autres ont vu le jour via les « négawatt » et les mécanismes de tiers in-vestisseur pour réduire les consommations d’énergie. Elles pourraient encore se déve-lopper car les projets d’énergies renouve-lables sont encore beaucoup plus dans les mains des grands groupes industriels que dans ceux des coopératives.
En matière d’alimentation saine, les coo-pératives actives dans les circuits courts se multiplient à vue d’œil. Plus de 30 coo-pératives ont été créées en 4 ans rien que dans ce secteur. On y retrouve les « super » marchés coopératifs, les coopératives de maraichage, de mise en relation produc-teur/consomm’acteur, les coopératives de producteurs agricoles, le renouveau du vin coopératif, des brasseries coopératives, etc. Les coopératives de financement sont éta-blies depuis longtemps mais de nouvelles sont également nées : financement clas-sique coopératif, banque coopérative, opé-ration de portage (prise de participation pour un temps déterminé puis revente des parts avec ou sans plus value), financement de logement, financement d’espace de co-working, etc.
Et enfin d’autres coopératives avec des buts divers et variés impossibles à recenser ici tel que le tourisme durable, la presse d'investigation, les lieux de ressourcement, etc.

Les coopératives produisent du sens

Sur le plan macro-économique, les coopératives font plus que sens :
• Elles ancrent du pouvoir de décision sur nos territoires, alors que ces dernières an-nées nos voisins des Pays Bas, de France et d’autres pays ont reçu les clés de nom-breuses entreprises fondamentales (éner-gie, grande distribution, pharmacie, etc.). Disposer de leviers de décision ici, c’est soutenir une souveraineté économique et cela, c’est stratégique. Sinon notre petit pays devient chaque jour davantage la marionnette de nos voisins.
• Elles ancrent des retombées économiques doublement : à la fois par la distribution des dividendes auprès des coopérateurs chez nous, tout autant qu’en irriguant éco-nomiquement des partenaires, d’autres coopératives, des sous-traitants de chez nous principalement. A l’heure où cha-cun déplore la concentration des capitaux dans quelques multinationales, c’est aus-si plus que stratégique.
• Elles enrichissent un grand nombre de coopérateurs plutôt qu’une poignée de financiers. Et cet enrichissement n’est pas que financier : il crée du lien social, de la mise en réseau de compétences, des synergies humaines, …
• Enfin, elles naissent d’un rêve, puis de-viennent projet, balbutient dans le concret puis s’enracinent dans une société, avec sa vie, ses pulsations. En ce sens, elles nous permettent de concrétiser des par-celles d’utopies… Qui aurait pensé en 1990 que des supermarchés coopératifs ver-raient le jour en Belgique et seraient opé-rationnels à grande échelle ?
• Les coopératives permettent de produire du sens car rares sont celles qui mettent le profit en stricte priorité. La priorité est de faire sens, dans un environnement, dans un contexte, parfois de rechercher la difficulté pour répondre à un besoin de la société qui n’est pas assez pris en charge par la collectivité.

L’argent coopératif, un levier de changement

Il n’y a jamais eu autant de richesse en Belgique, une dernière étude en 2018 d’une grande banque indiquait qu’il y avait plus de 1000 milliards d’euros de patrimoine immo-bilier dans les ménages belges et plus de 1000 milliards d’euros d’argent, d’actions dans ces mêmes ménages.
Avec 100 € ou 250 €, on fait bouger le monde, on apporte ses compétences, son énergie positive dans une structure ad-hoc. On ap-prend comment créer de la valeur ajoutée, comment vit une société. On apprend une forme de démocratie économique. On se rend compte à la fois de la complexité du monde et surtout, on y apporte une contri-bution à notre mesure.
En se connectant à une coopérative, on cultive le positif, les petites ou grandes réussites, on se met en réseau entre gens positif, constructif, engagés. On rencontre des gens qui partagent notre vision du monde, qui complète nos doutes et nous encouragent à vivre le meilleur de nous-même. A l’heure d’un certain défaitisme quasi généralisé, c’est stimulant !
On apprend à délibérer souvent sans vote, par consensus, à offrir nos compétences dans notre temps libre, on apporte nos compétences professionnelles à la coo-pérative et en retour elle nourrit notre vie privée et professionnelle par de nouvelles expériences. Elle irrigue ainsi notre vie d’un autre rapport au monde.
Certains ayant une aversion aux chiffres peuvent dépasser ceci et apprendre à gérer un budget, certains sont heureux de déménager, d’autres de ranger, de nettoyer, d’autres excellent dans la gestion des déci-sions ou dans une communication positive.
Il y a place pour chacun dans les coopéra-tives, chaque investissement en temps, en enthousiasme fait sens. Il ne faut pas oublier que l’argent, bien investi, bien géré, est un puissant levier de changement. Du change-ment, n’en voulons-nous pas ?

Les coopératives, ces utopies ancrées dans le concret

Enfin, s’investir dans une coopérative, c’est aussi se joindre à un réseau de personnes qui partagent les mêmes préoccupations que vous, dans une certaine mesure une vision commune sur un enjeu de société. En ce sens, elles créent le lien social du chan-gement. Elles créent de la mise en réseau pour associer notre force de changement. Elles organisent la structuration d’une révo-lution lente… pour passer de la logique de la compétition qui nous a perdu à celle de la coopération qui nous unit. Elles sont de très précieux leviers.
En soi, être actif dans une coopérative, c’est aussi réapprendre à vivre ensemble, à construire ensemble, à accueillir nos dif-férences, notre singularité et à l’exprimer. C’est surtout déguster l’immense plaisir de mettre notre énergie vitale et notre temps si précieux dans quelque chose à construire de durable plutôt que dans toute forme de critique futile sur la société qui ne trouve pas à se convertir dans une action concrète. A tout hasard, les parts de coopératives font aussi de beaux cadeaux de Noël et de Saint Nicolas…
On nous invitait à nous indigner il y a quelques années. N’est-il pas encore plus important de passer à une autre étape ? Engageons-nous ! Coopérons : c’est juste très bon.

Raphaël Dugailliez

Pour entrer dans le monde des coopératives et de l’économie sociale, le réseau « financité » diffuse une information de qualité sur les coo-pératives en demande de financement, notamment.
www.financite.be



Paru dans l'Agenda Plus N° 302 de Novembre 2018
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