S’inspirer en ville
Vidéos
Annuaire
Retour

S’inspirer en ville



Nos villes sont des espaces où les défis de l’accroissement de la population mondiale, de la migration, de la mobilité, des enjeux écologiques et du vivreensemble se font le plus sentir. Comment devenir des êtres inspirés et contribuer à pacifier notre environnement urbain dans ces environnements qui concentrent ces défis majeurs.





Les enjeux sont de taille. Le dernier rapport du Forum Économique Mondial (WEF 2019) fait état de l’élargissement des villes un peu près partout sur la Planète. Dans une trentaine d’années, près des trois-quarts de la population mondiale vivra dans des zones urbaines.
Ce sont pourtant elles qui utilisent actuellement près de deux-tiers des ressources et de l’énergie de la planète. Selon l’ONU, 2,5 milliards de personnes de plus habiteront dans les villes d’ici 2050. L’Europe est le continent le plus urbanisé au monde. Quatre-vingts pour cent de sa population vit dans un environnement urbain. Et cela ne fera que s’accroître.
Ce phénomène que l’on appelle « l’étalement des villes » ne fait pas l’impasse sur la Capitale belge. Selon l’Ibsa (Institut Bruxellois de Statistiques et d’Analyse), Bruxelles comptera près de 200.000 personnes de plus qu’aujourd’hui dans cinquante ans.

Chaos ou opportunité ?

Dans ce contexte de forte évolution démographique de la ville, le défi pour les décideurs est d’améliorer la performance écologique de la ville pour ce qui concerne l’aménagement du territoire, en développant plus d’espaces verts, en favorisant une mobilité propre et fluide et en transformant la densité urbaine en force créative où l’humain forme l’élément central de la ville tout en résolvant les inégalités sociales et territoriales.
Rendre la mobilité durable est l’une des priorités majeures pour réussir cette transition et pour éviter que les villes n’étouffent sous le poids de la densification.
Les routes encombrées qui sillonnent la ville fracturent et morcellent le paysage urbain de part en part, isolant des pans de villes en les rendant bruyants, plus pollués et moins attractifs . La mobilité est un facteur-clé dans l’aménagement de la ville de demain.
Pourtant, l’usage de la voiture est à ce jour encore toujours en augmentation constante. A Bruxelles, ce ne sont pas moins de 190.000 voitures qui entrent quotidiennement en ville. Et ce ne sont pas moins de 175.000 voitures que les Bruxellois utilisent pour se déplacer en ville. Les chiffres de Bruxelles Environnement sont édifiants : pour leurs déplacements urbains, 25% des bruxellois font des déplacements dont la distance est inférieure à 1 km. 37% des déplacements en voiture se font sur une distance de 3 à 5 km et seulement 20% des déplacements en voiture à Bruxelles se font sur une distance de plus de 10 km.

Multimodalité

De là découle l’idée assez évidente qu’il convient de changer nos modes de déplacement en limitant l’usage de la voiture (on interdit dès à présent des voitures plus polluantes dans de plus en plus de villes en Europe de l’Ouest) et en favorisant l’usage multimodal de tous moyens de transports disponibles. Le déplacement multimodal, prônant une façon plus intelligente de se déplacer en ville, intègre donc différents modes de déplacement urbain (transport en commun, voitures partagées, vélos, scooters électriques, trottinettes partagées, la marche,...) pour fluidifier nos déplacements. Une jeune start-up, Jeasy, propose par l’intermédiaire de son application, des itinéraires multimodaux pour se rendre d’un point à un autre en ville. A la différence d’un “simple” GPS qui ne prend en compte qu’un (ou deux) moyens de transport (auto, vélo, à pied), l’application multimodale propose grâce à des algorithmes complexes l’itinéraire le plus rapide pour relier un point A à un point B en intégrant différents moyens de transports mis à la disposition du public.
De plus en plus d’acteurs privés sautent dans la brèche de la mobilité urbaine. Des solutions surgissent de partout, avec parfois des encombrements causés par cette mutation rapide (trottinettes garées n’importe où, non-respect des règles de circulation, conduite dangereuse,...). Ces mutations des modes de déplacement urbain et la façon dont nous expérimentons la ville évoluent plus rapidement que les villes elles-mêmes et obligent les autorités publiques à trouver des solutions à ces tensions émergentes d’un nouveau type.

La question du sens dans nos déplacements

Pourtant, renouveler l’expérience du déplacement urbain en différenciant les moyens de transport ne suffit pas pour harmoniser la fluidité de nos villes. Pour rendre nos villes écologiques en proposant de nouveaux espaces verts et du déplacement multimodal, ne faut-il pas aussi changer propre notre rapport à la ville? Ne pouvons-nous pas aussi considérer un déplacement urbain comme une expérience qui a elle seule peut devenir vertueuse, voire source d’échange, voire même spirituelle ? Comment est-ce que nos déplacement urbains, multiples, peuventils devenir des expériences qui donnent sens à nos vies pressées ?

La ville est une myriade de réalités qui ne se rencontrent pas

À Bruxelles, nous passons d’une réalité à une autre en l’espace de quelques centaines de mètres, et nous nous en rendons à peine compte. La Commission européenne se situe à moins de 400 mètres de la petite commune de Saint-Josse-ten-Noode qui est également l’une des communes les plus diversifiées et les plus denses du pays. En l’espace de quelques arrêts de métro, on passe du quartier européen à Molenbeek, en traversant une juxtaposition de communautés qui ne se rencontrent pas forcément.
Chaque quartier, chaque visage croisé dans nos déplacements peuvent potentiellement susciter quelque chose en nous, une impression, une émotion. Pour peu que l’on prenne conscience de cet instant précis. Chaque environnement, chaque visage est un révélateur potentiel d’émotions. Ce qui compte, c’est ce que nous décidons de faire avec nos perceptions ou avec nos émotions, qu’elles soient positives ou négatives. Accueillir ces perceptions et ces émotions et avoir un regard de compassion, d’empathie lors de ces traversées humaines, permet de transformer l’expérience de la ville, de transformer nos résistances en moteur et plus fondamentalement refermer par notre regard bienveillant le gouffre creusé par notre inattention, notre indifférence ou notre refus qu’opère la différence entre humains sur nous. En changeant de moyen de locomotion tout en changeant de regard, on peut changer le rapport que l’on entretient à la ville et par ce fait même s’inspirer de ce qui de prime abord nous indiffère ou de ce que l’on ne voit pas absorbés que nous sommes par notre quotidien.

Rompre avec la routine

La marche urbaine est une façon extraordinaire pour rompre avec le sentiment de routine et pour quitter notre rapport fonctionnel avec la ville. Lorsqu’on se déplace en ville, on le fait avec le seul but de nous rendre quelque part, pourvu que cela se fasse le plus vite possible. Lorsqu’on décide de faire une partie de notre déplacement à pied, nous nous décentrons de notre seul objectif d’arriver quelque part pour expérimenter le “comment” on y arrive.
Un marcheur normal parcourt un kilomètre en moins d’un quart d’heure. Cette distance est amplement suffisante pour relier un arrêt de transport en commun avec une destination.

Marche et empathie

Allier marche, regard empathique et présence à soi et à son environnement, devient alors une expérience de sens et de reconnexion à nos perceptions et à nos propres émotions anesthésiées par les tracas, le stress, l’urgence de nos vies bien remplies.

Sébastien de Fooz

1https://fr.weforum.org/agenda/2019/10/pour-rendre-nos-villes-plus-vertes/
2https://ec.europa.eu/environment/pubs/pdf/streets_people.pdf
3 https://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/studies/pdf/citiesoftomorrow/citiesoftomorrow_ final_fr.pdf



Paru dans l'Agenda Plus N° 313 de Décembre 2019
Retour