Greenwashing & pompes funèbres en Belgique
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Greenwashing & pompes funèbres en Belgique



Avec un chiffre annuel de plus de 400 millions d’euros, les sociétés de services funéraires belges se portent bien. Certaines proposent même des alternatives écologiques, mais attention au «greenwashing»…





Avec près de 100.000 décès par an, gérés par quelques 650 entreprises de pompes funèbres, le coût des funérailles est en moyenne de 3.500 € en Wallonie versus 4.500 € en Flandre. Mais la Belgique reste encore un petit joueur dans le secteur quand on sait, par exemple, que le coût d’un service funéraire en Hollande peut atteindre les 7.000 € !
Avec des «devis de base» rarement inférieurs à 3.000 €, on est en droit de se poser la question de ce qui peut justifier de tels montants ? Cette prestation qui, lorsqu’elle est bien réalisociété sée, demande deux journées de travail équivaut- elle vraiment aux deux mois de salaires moyens demandés ? La réponse est non ! Les marges de profit, disproportionnées, sont évidemment rendues possibles grâce, d’une part, à la détresse vécue par les familles couplée au manque de temps pour gérer les préparatifs et, d’autre part, à un accord tacite sur les prix par les professionnels du secteur. A ce titre, nous ne sommes pas loin du fonctionnement d’un véritable «cartel» où les vendeurs obtiennent le contrôle d’un marché par entente formelle ou informelle… D’ailleurs, cette volonté de maintien des tarifs est inscrite dans le «Code de déontologie des entrepreneurs de pompes funèbres » qui prévoit ainsi des sanctions au cas où une entreprise viendrait à «facturer des prix, et/ ou, d’honoraires manifestement excessifs ou systématiquement en dessous des prix normaux». Difficile de mesurer ce qui est jugé «excessif» vu les tarifs appliqués, en revanche toute tentative de «cassage de prix» provoque une levée de boucliers dans le secteur. [cfr. le dérangeant mais non moins éloquent documentaire : «Les Infiltrés - Pompes funèbres, l’obscur marché de la mort », diffusé en début d’année sur France 2 et à voir ou revoir sur Internet].



Ecologie & pompes funèbres
Avec une méconnaissance des réels enjeux environnementaux par les professionnels du secteur qui surfent sur la vague verte, tout en continuant - pour certains - à rouler en 4x4, l’écologie ne suscite pas véritablement l’engouement des pompes funèbres. Mais elle n’en est pas pour autant un argument négligeable, si l’on considère que le client n’est pas le seul donneur d’ordre. Le législateur a lui aussi son mot à dire : les crématoriums qui doivent se mettre aux normes en savent quelque chose. Ou encore l’obligation d’emballer les corps dans une gaine en plastique [supposée être 100% biodégradables, mais qui ne l’est pas toujours…] afin de diminuer la dissémination trop rapide des substances toxiques qui y sont présentes. L’être humain accumule, en effet, dans son organisme quantité de substances chimiques qu’il n’est pas souhaitable de répandre trop vite dans l’environnement. Contrairement aux animaux dont les dépouilles sont disséminées dans la nature, nos défunts sont rassemblés dans des lieux confinés : les cimetières. Ces derniers peuvent border des champs ou se situer au-dessus de nappes phréatiques. Il est donc important de réfléchir aux conséquences environnementales de la mise en terre. Un défunt qui, de son vivant, a reçu des traitements chimio- thérapeutiques, absorbé des médicaments ou des doses de pesticides via une alimentation déraisonnable, peut contaminer son environnement dans le processus de retour à la terre de son enveloppe charnelle.
L’imposition de cette gaine est due à la vente généralisée par les professionnels de cercueils en bois agglomérés, qui ne sont rien d’autre que des copeaux de bois compressés avec une grande quantité de colle. Légalement ce type de cercueils n’est normalement pas autorisé, mais cela fait bien longtemps que les communes et crématoriums tolèrent leur usage, principalement pour soulager le budget des familles endeuillées, mais il a fallu s’adapter, car leur dégradation trop rapide dans un sol humide pose des problèmes sanitaires résolus par l’usage de la gaine. Ces cercueils posent également un problème lors des crémations, car la colle brûlée rejette sous forme de gaz une quantité de substances toxiques, dont des formaldéhydes. Les crématoriums ont dû s’équiper de filtres coûteux pour en limiter l’émission.
L’alternative écologique semblerait donc être tout simplement le bois et c’est un argument commercial dont beaucoup de pompes funèbres abusent. Car le bois peut aussi être issu de forêts non gérées durablement et donc participer à la déforestation ! «Greenwashing» quand tu nous tiens… Il est donc indispensable de choisir des cercueils en bois labellisés PEFC ou FSC. Il est d’ailleurs bon de préciser que toutes les forêts d’exploitations européennes sont aujourd’hui éco-gérées, quand un bois n’est pas labellisé c’est qu’il n’est pas produit en Europe, ce qui alourdit encore son empreinte carbone…
A côté du bois, il existe toute une série d’écocercueils en matériaux naturels tels que les feuilles de bananier, bambou, jonc de mer, saule tressé, pandanus, etc… Idem pour les urnes qui se déclinent en papier mâché, terre glaise, bambou, jute et autres polymère végétal biodégradable [notons qu’il est désormais possible pour les familles belges de disposer des cendres du défunt sans que celui-ci n’ait explicitement fait la démarche administrative de son vivant].

Mise en terre ou incinération ?
Autre aspect à prendre en considération : l’énergie dépensée pour le service funéraire. Et là c’est le grand débat entre la mise en terre ou l’incinération. Même au sein des écolos convaincus, le débat entre l’une de ces options est toujours d’actualité.
Selon la Fédération Nationale des Entrepreneurs de Pompes Funèbres, le nombre de crémations à l’échelle nationale a dépassé pour la première fois celui des enterrements et avoisine les 51,5%. On constate évidemment des différences entre régions et un décalage important entre milieu urbain et campagne. En ville, les crémations constituent déjà 80% du choix des familles pour les cérémonies de funérailles.
En tout cas, même si les crématoriums, particulièrement énergivores, sont visés dans la question écologique, le sujet reste délicat.

L’«écologie après la vie» est donc une question importante. Même si elle n’est pas encore un argument essentiel pour les familles des défunts, les entreprises de pompes funèbres doivent considérer le problème en amont afin que leurs actions soient en corrélation avec l’image d’un métier sensible, responsable et attentif aux cycles naturels. Il y a donc encore du travail... Et comme toujours les clefs du changement sont surtout dans les mains des consommateurs : si la demande évolue, l’offre évoluera aussi !

Olivier Desurmont



Paru dans l'Agenda Plus N° 252 de Novembre 2013
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