L’intelligence intuitive
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L’intelligence intuitive



De tous temps, l’intelligence intuitive a toujours fasciné. Par sa fulgurance, par son instantanéité, par son absence d’effort… Elle est souvent associée au génie, et auréolée de mystère. Même les scientifi ques, grands constructeurs de concepts, de théories et d’analyses, savent bien que les plus grandes découvertes ont été accomplies lors d’instants d’intuition uniques, hors de l’effort laborieux de la pensée rationnelle analytique.
Einstein écrivait : Le mental intuitif est un don sacré, le mental rationnel un serviteur fidèle ; Nous avons créé une société qui honore le serviteur et qui a oublié le don.
Et Henri Poincaré, grand mathématicien français du début du XXème siècle : C’est avec l’intuition que l’on trouve, et avec la logique que l’on prouve…



Plus près de notre vie quotidienne, chacun sait que l’intuition a une part essentielle dans les décisions de la vie, grandes ou petites, même dans le cas des gens qui se proclament rationnels et cartésiens.

Du point de vue des sagesses traditionnelles orientales (taoïsme, bouddhisme, hindouisme…), il n’y a là aucun mystère. Dans les langues traditionnelles de ces sagesses millénaires, les termes désignant « connaissance », « conscience », « lucidité » sont bien souvent identiques. Dans le Dzogchen, un des sommets de la sagesse du bouddhisme tibétain, le terme salwa signifie à la fois clarté, lucidité, connaissance… ; le terme rigpa qui désigne l’intelligence ou conscience primordiale, signifie littéralement « voir ». Il s’agit là d’une vue directe, immédiate et complète, et non d’une connaissance analytique ou conceptuelle construite pas à pas.

Qui plus est, cette faculté connaissante est innée, naturelle et intrinsèquement présente, sans un atome de construction ou d’effort nécessaire ; de fait, plus on s’élève dans la pratique de la méditation, plus l’effort initial d’appliquer une méthode s’amenuise et fi nit par s’abolir dans la pure présence primordialement présente de la dimension Éveillée. Là, paix, amour, créativité, intelligence ont une seule et même saveur. Et, chose diffi cile à comprendre pour un occidental éduqué dans le cartésianisme, rigpa se dévoilera dans sa nudité « au moment précis de la dissolution de l’esprit conceptuel » ! L’attachement aux constructions mentales, aux croyances et concepts, ainsi que l’agitation mentale qui les accompagne, sont vus comme un voile à l’intelligence primordiale. L’aphorisme bouddhiste célèbre se révèle ici incroyablement pertinent pour la vie quotidienne :

De même que l’eau, si on ne l’agite pas, s’éclaircira d’elle-même,
La nature de l’esprit est telle que si on le laisse inaltéré, sans aucune manipulation,
Il trouvera de lui-même sa paix et sa clarté originelles.

Ne pas confondre clarté et agitation des pensées ! Un beau programme pour nous tous…

Pour mieux illustrer cela, voici une petite histoire traditionnelle du bouddhisme tibétain. Vous entrez dans une pièce obscure où se trouvent un grand nombre d’objets. A tâtons, vous cherchez à les connaître un par un… c’est la connaissance analytique rationnelle, graduelle et laborieuse. Puis soudain, quelqu’un apporte une vive lumière ; alors, en un éclair, vous voyez tout l’agencement de la pièce : c’est rigpa, la Vue. Puis la lumière s’éteint presque aussitôt ; si on vous demande ensuite ce qu’il y a dans la pièce, vous avez tout vu de façon certaine en un éclair, mais il est diffi cile de décrire chaque chose une par une. Cette belle petite histoire illustre à merveille le fonctionnement de l’intelligence intuitive.

Pour revenir en Occident, lorsque la méditation de pleine conscience MBSR a été introduite en Amérique du Nord à partir des années 1990 avec le succès que l’on sait, on a beaucoup parlé du thème de la prise de décision ». En effet, dans une prise de décision, on distingue généralement trois éléments : l’analyse rationnelle, la tendance émotionnelle et la sagesse intuitive. Par la pratique de la méditation, les pensées et les émotions se calment, et l’intuition est plus à même de se manifester : toujours l’eau qui s’éclaircit d’elle-même… De fait, beaucoup de pratiquants témoignent que leurs idées les plus créatives surviennent à la fi n de leurs méditations.

Dans un environnement linéaire, prévisible et bien ordonné, l’analyse rationnelle est bien souvent effi cace pour décider et planifi er une action. En revanche, dans un environnement volatile, imprévisible ou chaotique, quand l’élément humain prédomine par exemple, la sagesse intuitive est appelée à prendre le relais… ce qui explique l’attrait de la méditation pour survivre et naviguer à notre époque marquée par une insécurité et une instabilité accrue.

Mais alors, quel est le mécanisme de l’intuition ? L’intuition va puiser dans trois ressources principales. Comme un arbre, la première source est la ramifi cation des racines : il s’agit de la totalité des informations, des expériences vécues du passé, emmagasinées dans l’inconscient.

La seconde source est comparable aux feuilles de l’arbre : tous les signaux, forts ou faibles, captés dans l’instant présent. Tous ces signaux, toutes ces connaissances sont immenses, indéfi nis et hors de portée de l’analyse rationnelle. C’est la raison pour laquelle les experts en théories de toutes sortes ne comprennent bien souvent pas les situations réelles de la vie.

En même temps, certains intuitifs sont aussi de grands travailleurs : ils accumulent un très grand nombre d’informations en amont, et ensuite la synthèse s’effectue lors de moments d’intuition. Le rationnel devient alors, comme le dit Einstein, le « serviteur fi dèle » indispensable pour recueillir et faire fructifi er le « don sacré » de l’intuition.

Il y a aussi une troisième ressource, qui échappe aux grilles de compréhension des neurosciences : l’intelligence intuitive n’est pas seulement personnelle, elle a la capacité de puiser au-delà du soi individuel, au-delà des limitations d’espace et de temps. On peut relier cela, bien sûr, à l’inconscient collectif de Young… La physique quantique est aussi très éclairante à ce propos : le phénomène d’intrication nous conduit à une vision unitaire « non locale » de l’information, et les expériences dites « à choix retardé » nous montrent, dans certains cas expérimentaux très précis, une causalité inversée, du futur vers le passé. Au sein du paradigme quantique, et contrairement à la physique classique newtonienne et cartésienne, les phénomènes de synchronicité et de prémonition ont toute leur place. L’intelligence intuitive a la faculté de puiser à une source virtuellement illimitée, hors des limites de temps, d’espace et d’individualité séparée… Ceci est tout naturel dans la sagesse bouddhiste par exemple, où l’individu, le temps et l’espace ne sont que des catégories conceptuelles crées par l’esprit, et non une réalité.

Mais alors, une grande question demeure : comment la synthèse de ces sources d’information s’effectue-t-elle, en un éclair, hors de tout effort et de toute volonté ? Les chercheurs en sciences cognitives se sont penchés sur cette question, et voici quelques extraits du fruit de leurs études, rapportés par Claire Petitmengin, chercheuse spécialiste de l’intuition :

Juste avant une intuition, il y a un lâcher prise, une descente en soi, une absence de contrôle, une absence d’activité mentale…
…puis soudain une présence augmentée, les sens en éveil, un sentiment d’unité, d’accord intérieur…
…ainsi qu’un sentiment d’évidence, côtoyant une émotion de surprise, d’étonnement, voire d’émerveillement.

Il est frappant de voir à quel point on retrouve ici les ingrédients essentiels de l’expérience méditative : lâcher prise, absence d’activité mentale, présence augmentée, éveil, unité… tout le registre lexical de la pleine conscience se retrouve ici. C’est ainsi que l’on revient à l’approche bouddhiste évoquée plus haut…

Soulignons la place essentielle du corps dans l’intelligence intuitive : combien de fois avons-nous pris des décisions rationnelles ou émotionnelles, alors que notre corps nous disait NON de toutes ses forces ? Avons-nous regretté ces décisions, quelques jours, mois ou années plus tard ? Pour ma part, cela m’est arrivé plusieurs fois dans ma vie. J’ai souvent été fort surpris de constater que le corps en savait plus que moi (le moi-mental), et étonnamment, savait les choses bien souvent à l’avance. C’est pourquoi la méditation du scan corporel (conscience des différentes parties du corps) est cruciale pour développer ce 6ème sens intuitif. Ajoutons que si nous nions ou refusons d’entendre ces messages corporels, notre vérité intérieure fi nira parfois par se manifester sous forme de maladies, de douleurs ou de désordres… comme un enfant mal aimé et incompris hurle sa solitude en développant diverses pathologies. La sagesse intuitive, au-delà de son importance pour telle ou telle décision, est la voix de notre être intérieur profond, notre enfant de sagesse, notre guide le plus précieux ; notre tâche en cette vie est d’apprendre à l’écouter et à le chérir.



Concluons en parlant des facteurs que l’on peut confondre avec l’intuition En voici une liste non-exhaustive : Les réactions automatiques, les schémas émotionnels habituels, les opinions préétablies, les préjugés… Ils sont trompeurs car comme l’intuition, ils échappent à la pensée analytique et rationnelle, ils sont instantanés. La pleine conscience nous permet d’identifi er ces tendances en nous-mêmes et de ne pas nous laisser prendre. Ajoutons l’élément collectif de l’intuition : des amis peuvent nous montrer que nous nous parfois sommes laissés prendre à ces faux-semblants. On peut aussi les distinguer à leur saveur expérientielle : une décision prise à la suite d'un préjugé automatique n'a pas la saveur décrite précédemment : puis soudain une présence augmentée, les sens en éveil, un sentiment d’unité, d’accord intérieur…
…ainsi qu’un sentiment d’évidence, côtoyant une émotion de surprise, d’étonnement, voire d’émerveillement.
Une réaction automatique, par exemple, n’aura même aucune saveur !
De façon amusante, un dernier élément trompeur est décrit comme « le désir d’être reconnu comme génial », courant dans une équipe, dans une famille, dans un groupe… Vigilance, donc, à l’égard aux grands intuitifs autoproclamés !

Beaucoup de gens rapportent qu’ils sont intuitifs, mais hésitent à suivre leur intuition à cause de leur entourage cartésien qui tend à les ridiculiser. Et pourtant… Lorsque vous vous trouvez devant cette hésitation, posezvous donc ces deux questions, qui auront le don de clarifi er la situation et les enjeux : Qu’est-ce que je risque à suivre mon intuition ? Qu’est-ce que je risque à ne pas suivre mon intuition ?

Je vous souhaite sincèrement de chérir et développer cette connaissance innée en vous, pour votre plus grand bonheur !

Olivier Raurich



Paru dans l'Agenda Plus N° de
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