JOUER ! S'épanouir par les activités ludiques
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JOUER ! S'épanouir par les activités ludiques



De nombreuses études démontrent que le jeu est, aux côtés de la langue, de la culture et de la technologie, l’une des plus belles facettes de l’aventure humaine. D’ailleurs, sans jeu, aucune de ces autres réalisations ne serait possible !



Le « jeu » est souvent opposé au « travail » car il est perçu comme une activité sans importance et manquant de sérieux. Il est même parfois considéré comme quelque chose que les enfants font parce qu’ils sont encore immatures et qui s’estompera plus ils grandiront… Cette vision est bien évidemment fausse !

D'où vient le jeu ?

Les objectifs et les fonctions du jeu ont été étudiés par des penseurs et des scientifiques à partir d’un large éventail de disciplines. Ces études, à travers les cultures et les époques, mettent en lumière deux caractéristiques du jeu dans les sociétés humaines. Tout d’abord, il est clair que le jeu a toujours été présent chez les humains, autant chez les enfants que chez les adultes, et que les jeux des plus jeunes ont toujours été accompagnés par des adultes, quelles que soient les sociétés et les cultures où ils sont apparus (c’est particulièrement évident concernant la fabrication de jouets). Deuxièmement, il ressort que le jeu est un phénomène multi-facettes. On retrouve une grande variété de jeux dans toutes les sociétés, mais il existe évidemment d’importantes différences dans les formes qu’ils prennent au fil des époques.

Des documents archéologiques indiquent l’existence de divers jeux depuis les temps préhistoriques. On a ainsi retrouvé des dés, bâtons de jeu et diverses balles de pierre issus de l’ère paléolithique. Des fouilles en Chine, au Pérou, en Mésopotamie et en Egypte ont révélé l’existence de modèles miniatures en céramique et en métal, utilisés comme des jouets pour les enfants, ainsi que des dessins représentant des enfants jouant avec des poupées et des hochets.
Dans les sociétés classiques de la Grèce antique et à Rome, le jeu a même été étudié par certains penseurs qui en soulignent l’importance. Platon (427-347 avant JC), par exemple, préconise l’utilisation du jeu sous toutes ses formes afin de « développer des compétences pour la vie adulte » et « soutenir la santé et le développement physique ». Aristote (384-322 avant JC) a également souligné la valeur du jeu et des activités physiques ludiques pour le développement global de l’enfant.

La situation est similaire dans les études de l’enfance à travers l’Europe médiévale et dans la période de la Réforme et de la Renaissance. On y souligne l’importance de la pédagogie et du développement par le jeu, de la solidarité ludique entre adultes et enfants, etc.
Parmi les tenants de l’ère moderne de l’éducation de la petite enfance, comme Rousseau, Pestalozzi ou Froebel, on retrouve des idées similaires et, dans certains cas, leur mise en œuvre, tel que le premier «jardin d’enfants» initié par Froebel en Allemagne en 1837 (il fut aussi le premier à utiliser le terme «aire de jeux» pour décrire des environnements développés par les adultes pour les enfants).

Plusieurs études récentes ont également pu mettre en évidence la transmission des attitudes et des pratiques culturelles à travers le jeu. Par exemple, dans les cultures où il y a une séparation nette entre les rôles masculins et féminins, les garçons et les filles sont préparés à ces rôles dès leur plus jeune âge à travers les jouets et les jeux transmis par les parents et les adultes de leur communauté.

Les 5 types de jeu

Compte tenu de la difficulté à réduire le jeu à une simple définition, il n’est pas surprenant qu’il y ait eu de nombreuses tentatives pour essayer de classer les différents types de jeu existants. Même si beaucoup de chercheurs ont démontré que pour chaque aspect du développement d’un enfant, il y avait une forme de jeu associée, la littérature psychologique contemporaine divise généralement le jeu en 5 grandes catégories : le jeu physique, le jeu avec des objets, le jeu symbolique, le jeu socio-dramatique et le jeu avec des règles.

Le jeu physique
Ce type de jeu est présent partout. Il a même été observé chez certains reptiles et amphibiens et est courant chez la plupart des mammifères. Chez les êtres humains, il peut prendre la forme d’exercices actifs (sauter, grimper, danser, courir, faire du vélo, du trampoline, …), de jeux de contact (lutte amicale, saute-mouton, …) ou encore prendre la forme de motricité fine (couture, découpage, assemblage, …).
Chez l’enfant, ce type de jeu commence à émerger au cours de la 2ème année et peut occuper 20% à 25% du temps de veille entre 4 et 5 ans. Ce type de jeu revêt une importance capitale pour le développement corporel, la coordination « œil-main », la force et l’endurance de l’enfant.
Les formes les plus largement étudiées du jeu physique dans sa facette « active » sont la chasse/poursuite, les « jeux de pied » (ballon, objets divers), la lutte et autres roulades sur le sol. Il semblerait que ce type de jeu, typique chez les enfants d’âge préscolaire, soit issu d’un mécanisme mammifère primaire par lequel les enfants apprennent à contrôler peu à peu leur agressivité.

Le jeu avec des objets
Ce type de jeu a également été largement observé chez les primates. Chez les êtres humains, le jeu avec les objets commence dès que les nourrissons peuvent « saisir » et avoir la force de « tenir ». Cela pourrait être décrit comme une forme de jeu sensori-moteur qui permet à l’enfant d’explorer le monde des formes, de sentir et ressentir les matières et matériaux de son environnement. Dès l’âge de 4 ans, des comportements de type « fabrication et construction » commencent à émerger ; ce qui implique généralement d’autres types de jeu puisqu’il y a souvent des aspects physiques, comme la manipulation, et des aspects socio-dramatiques ou relationnels (pendant des activités de construction, par exemple, les jeunes enfants développent souvent une histoire, seuls ou en interaction avec d’autres enfants).

En jouant avec des objets, les enfants se fixent des objectifs et des défis, ce qui permet de développer un répertoire croissant de compétences et de stratégies cognitives et physiques. Par ailleurs, un certain nombre d’études ont pu démontrer que les jeux avec des objets, et plus particulièrement les jeux de construction, avaient des effets thérapeutiques chez les enfants atteints d’autisme et de troubles de l’attention.

Le jeu symbolique
Les êtres humains peuvent utiliser une grande variété de systèmes symboliques, tels que la langue parlée, la lecture et l’écriture, les chiffres, la musique et divers médias visuels (peinture, dessin, collage,…).
On peut observer, particulièrement durant les 5 premières années de la vie, une maîtrise grandissante de ces systèmes symboliques. Ce type de jeu permet un développement des capacités d’expression de soi, de réflexion sur les expériences, les idées et les émotions.
Des travaux récents suggèrent qu’il existe chez les jeunes enfants des liens très étroits entre le dessin et l’écriture. Des études de dessins ont pu démontrer comment les enfants augmentaient exponentiellement leur «vocabulaire graphique» et leur capacité à organiser des éléments graphiques (une sorte de «grammaire graphique») permettant des représentations symboliques de leurs vécus et, plus tard, un accès facilité à l’écriture. Ces études démontrent que « l’alphabétisation visuelle » des enfants — c’est-à-dire leur capacité à comprendre les images, photos, diagrammes, maquettes, plans, cartes — est considérablement renforcée par le fait de jouer avec une grande variété de médias visuels.

Le jeu socio-dramatique
Dans le monde moderne, ce type de jeu est probablement le plus répandu chez les jeunes enfants. Il est étroitement associé au développement des capacités cognitives, sociales et scolaires. Même s’il apparaît souvent comme une forme de « jeu libre » (où l’on fait semblant d’être un animal, un personnage de fiction, méchant ou gentil, etc.), un certain nombre d’études ont montré que ce type de jeu impliquait une grande maîtrise de soi, car les enfants sont obligés de suivre des règles sociales précises, en plus d’imiter au mieux le personnage qu’ils représentent. Plusieurs études sur les enfants âgés entre 3 et 4 ans démontrent un lien étroit entre la complexité de ce type de jeu et l’amélioration de la responsabilité sociale. En 2011, deux chercheurs, O’Connor et Stagnitti, ont pu mettre en évidence que des enfants qui jouaient régulièrement à « faire-semblant » (d’être un personnage ou un animal), étaient devenus « moins perturbateurs » et socialement « plus connectés » avec leurs pairs.

A noter : même si les jeux avec des armes et des fusils inquiètent parfois les parents et les enseignants, les recherches suggèrent que ces préoccupations sont généralement non-fondées et que les tentatives de dissuasion ou d’interdiction sont souvent contre-productives. Dans ce genre de jeu, comme dans tous les autres aspects du jeu socio-dramatique, les enfants développent leurs compétences coopératives et sociales, tout en permettant de canaliser leur agressivité et/ou d’évacuer le stress lié à leur vécu quotidien.

Le jeu avec des règles
Les jeunes enfants sont habituellement très motivés à donner du sens à leur monde imaginaire et, dans ce cadre, sont souvent très intéressés par les règles. Par conséquent, à partir d’un très jeune âge, les enfants commencent à apprécier les jeux avec des règles et raffolent souvent d’inventer les leurs. Ces jeux peuvent évidemment faire simultanément partie d’autres types, comme les jeux physiques (cache-cache, balle-chasseur, …). En grandissant, des jeux plus intellectuels émergent, tels que les jeux de cartes et de société, les jeux électroniques et informatiques et toute une variété d’activités sportives ludiques.

Ce type de jeu aide les enfants à développer leur compréhension des règles, tout en nourrissant la dimension relationnelle. En jouant à des jeux avec des règles entre amis ou avec des frères, sœurs ou parents, les jeunes enfants apprennent une large gamme de compétences sociales liées au partage, au fait d’attendre son tour, d’être attentif à l’autre, de comprendre et d’anticiper ses intentions.

Le jeu « pour les grands »
« Nous ne cessons pas de jouer parce que nous vieillissons, nous vieillissons parce que nous cessons de jouer. »
[George Bernard Shaw]

Le jeu est non seulement essentiel pour les enfants, mais pour les adultes aussi ! Il peut, en effet, être une importante source de détente et de stimulation. Qu’il prenne la forme de jeux avec notre partenaire amoureux, nos enfants, amis, collègues ou nos animaux de compagnie, le jeu libère notre imaginaire, notre créativité et notre capacité à résoudre des défis. De plus, jouer activement avec les enfants n’améliore pas seulement notre humeur et notre bien-être, mais participe activement à ce qu’ils soient plus vifs, intelligents et moins stressés !



Alors, pourquoi ne pas consacrer plus de temps à jouer ? Dans nos vies trépidantes, beaucoup d’entre nous se concentrent si intensément sur leurs engagements professionnels et familiaux que nous ne semblons plus avoir de temps à consacrer au simple plaisir de jouer. Quand nous avons du temps libre, nous sommes plus enclins à nous mettre à l’ordinateur ou à regarder la télévision qu'à nous consacrer à l’amusement, comme nous le faisions si spontanément durant l’enfance. Or, nous avons tous besoin de jouer !
Nous avons tous besoin de temps pour oublier le travail et les engagements, des moments pour être avec les autres de manière créative et spontanée.
Le jeu n’a pas besoin d’être structuré, cela peut simplement prendre la forme de blagues ou d’imitations avec un collègue ou un ami, d’un lancé de frisbee dans le jardin, d’un déguisement avec nos enfants, d’un bonhomme de neige dans la cour ou encore partir en balade à vélo avec notre conjoint… en chantant et sans aucune destination en tête !

En nous donnant la permission de jouer, dans le joyeux abandon que nous vivions pendant l’enfance, nous pouvons récolter une myriade de bienfaits pour notre santé intérieure et extérieure :
• soulager le stress : le jeu peut déclencher la libération d’endorphines, substances chimiques naturelles qui génèrent un sentiment de bien-être et peuvent même soulager temporairement la douleur ;
• améliorer le fonctionnement du cerveau : les jeux de stratégie, comme les échecs, peuvent aider à prévenir des problèmes de mémoire et améliorer le fonctionnement cérébral ;
• stimuler la créativité et l’apprentissage : il est évidemment beaucoup plus facile d’apprendre une nouvelle tâche quand c’est amusant et que nous sommes dans une ambiance détendue et ludique ;
• améliorer nos relations : rire ensemble et partager du plaisir peut favoriser l’empathie, la compassion, la confiance et l’intimité avec les autres ;
• rajeunir : jouer stimule notre énergie, notre vitalité et peut même améliorer notre système immunitaire.

Une priorité pour tous !

Les nombreuses études qui, aux quatre coins du monde, soulignent les vertus du jeu sous toutes ses formes devraient idéalement déboucher vers une reconnaissance officielle de son importance. On pourrait même rêver à une « formation aux arts du jeu » pour tous les métiers impliqués dans les soins et l’éducation des enfants… ainsi que les futurs parents !
Nous l’avons vu, les processus psychologiques impliqués dans les activités ludiques, leurs avantages pour l’épanouissement, l’apprentissage et le bien-être sont d’une importance vitale.
Démultiplier les possibilités de jeu pour chaque enfant, chaque adolescent, chaque adulte et chaque senior devrait devenir une priorité pour tous, car la vie sur Terre est un peu comme un grand jeu interactif dans lequel on ne gagne vraiment qu’en aimant un maximum de joueurs...

Olivier Desurmont

Références : « Le Jeu vous va si bien ! » de Pascal Deru aux Editions Le Souffle d’Or
• « Qui veut jouer avec moi ? Jouer pour mieux communiquer avec nos enfants » de Lawrence J. Cohen chez Marabout
• « Jouer à l’école - Socialisation, culture, apprentissages » de Jean-Pierre Sautot chez Canopé.



Paru dans l'Agenda Plus N° de
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