Vêtements être trendy et responsable, c’est possible !
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Vêtements être trendy et responsable, c’est possible !



Prenez deux minutes pour vous interroger sur vos vêtements : leur origine, leur chemin jusqu’à votre armoire. Vous découvrirez une réalité souvent moins belle que la jupe, le pull ou le jean de vos rêves ! L’habillement est l’un des secteurs les plus importants de l’économie mondiale, mais aussi le second plus polluant après le pétrole.



Il n’y a pas encore si longtemps, l’évocation de vêtements bios ou éthiques faisait naître des images de laine bouillie, chaussettes/sandales et autres silhouettes baba cool. Forcément, l’engouement n’était pas énorme ! Le « look » était loin d’être tendance, la douceur des matières laissait à désirer et la palette de couleurs assez limitée. Ces dernières années, la situation a bien évolué. Elégants, branchés et colorés, ils ont leur place dans toutes les garde-robes. L’industrie textile respectueuse de la nature et équitable est en plein développement. Pour preuve, l’ « Ethical Fashion Show » qui a vu le jour à Paris et s’est propagé jusqu’à Milan et Berlin en passant par Barcelone et la « Sustainable Luxury Fair » à Paris.
Parler de vêtements comporte une dimension qui dépasse souvent la rationalité puisqu’il s’agit de mode, de superflu, de coup de coeur. Pour certaines personnes il y a une part d’émotionnel qui intervient lors d’un achat. Dans une démarche « consciente », il est utile de s’intéresser aux vêtements sous cinq angles : l’écologie du produit qui est axé sur les procédés de fabrication et ses effets sur l’environnement, l’écologie humaine portant sur les effets des textiles et de leurs composants au niveau de la santé, l’écologie d’utilisation qui s’intéresse au lavage des textiles, l’écologie d’élimination axée sur les problèmes d’éliminations des déchets et textiles et les conditions de travail et de vie des travailleurs et petits producteurs à l'origine des vêtements.

Qu’il est doux mon t-shirt !

Le coton véhicule une image de matière naturelle par excellence, confortable et adéquate pour tout type de peau. Pourtant, sa culture est une des plus polluantes et aussi une des plus dévastatrices. Le coton représente 45% des fibres utilisées par l’industrie textile dans le monde1. Afin d’obtenir un kilo de coton, il ne faut pas moins de 7000 litres d’eau. N’occupant qu’un tiers des terres cultivées, cette petite boule blanche et douce consomme un quart des pesticides utilisés sur la planète. 70% des cours d’eau en Chine sont pollués à cause de l’industrie textile2. La santé n’est pas épargnée. Selon l’OMS, les produits contaminent des millions de personnes, avec des conséquences souvent fatales. L’envers du décor n’est donc pas très joyeux.

Pour répondre à ce problème, le coton bio a fait son apparition. Sa culture est garantie sans pesticides de synthèse, sans OGM et requiert moins d’eau. Il est cultivé selon un cahier des charges spécifique. Les agriculteurs « conscients » pratiquent la rotation des cultures et utilisent des moyens naturels contre les maladies et les insectes. Au niveau social, cela permet de réduire les investissements, l’achat de pesticides étant une des principales sources d’endettement des paysans. Quasiment toutes les grandes marques ont aujourd’hui une plus ou moins grande collection réalisée en coton bio.

Question de fibres

Certains fabricants se sont intéressés de plus près aux autres fibres naturelles. Le lin est sollicité car sa culture conventionnelle demande assez peu d’engrais et de pesticides. Les traitements qui interviennent au niveau de la fibre ne sont pas très nombreux. La culture du chanvre est encore assez marginale mais très avantageuse, cette plante étant peu exigeante et s’adaptant facilement au terrain en prospérant sans engrais ni pesticides. Même les sportifs peuvent consommer autrement ; on réutilise la laine comme le mérinos pour faire des sous-pulls techniques très performants. De nouvelles fibres « high tech » viennent régulièrement révolutionner le marché comme les fibres d’eucalyptus qui présentent des avantages énormes et permettent de créer des articles d’une douceur étonnante.



Dans le monde des innovations, la nature n’a pas toujours été une préoccupation première. Au moment de leur invention, les fibres synthétiques comme l’acrylique, le polyester et le polyamide semblaient dotées de toutes les qualités. Pourtant, elles se sont vite avérées polluantes, leur fabrication se faisant à base de pétrole et ses dérivés. C’est le cas par exemple du polyamide et du polyester. Le polyester émet près de trois fois plus de CO2 que le coton au cours de sa vie et à également des répercussions néfastes sur la planète. Il peut mettre plusieurs décennies à se dégrader et pollue l’environnement marin avec des microfibres de plastique.
Certaines marques ont trouvé des alternatives intéressantes en utilisant l’amidon de maïs comme un polymère végétal (PLA) à la place du pétrole. Malheureusement ce procédé se révèle encore assez coûteux. Il est surtout utilisé dans l’industrie des textiles d’isolation et les vêtements de sports assez pointus. Certains produits, comme certaines laines polaires, sont fabriqués à 100% de bouteilles en plastique recyclées. Le cuir animal a aussi ses alternatives éthiques comme le cuir d’ananas utilisé dans la maroquinerie. Une belle réussite à ce niveau est la marque de baskets Veja qui séduit de plus en plus les jeunes. Les porter pour assister à la marche pour le climat est bien plus cohérent que de porter des chaussures des grandes marques de sport !

Les traitements

Les fibres subissent également de nombreux traitements pour être au goût du jour : lavage, blanchiment, teinture,… Chaque étape est accompagnée de son lot de gaspillage ou de polluants comme le chlore, le formaldéhyde, les métaux lourds. Ces produits sont très rarement évacués selon des normes environnementales. Plus de 11 milliards de litres d’eau sont utilisés chaque jour à travers le monde pour teindre les textiles. Rares sont les sites de production textile ayant mis en place un système de gestion de l’eau performant et réglementaire. La plupart du temps, tout est déversé directement dans la nature.
Au niveau des couleurs, les palettes de l’arcen- ciel sont rarement naturelles. Pourtant, la nature offre des solutions comme la teinture végétale provenant des racines, feuilles ou encore branches. C’est la solution adoptée surtout par des petites marques de niche car la gamme de couleur n’est pas à 100% constante, présentant de légères variantes de teinte.

Mon jean adoré

C’est l’indispensable de toutes les garde-robes, de toutes les générations et il y en a pour tous les goûts : slim, boyfriend, bootcut,… Cet essentiel que tout le monde porte à une belle empreinte sur la planète mode mais une très vilaine sur notre planète bleue. Saviez-vous qu’à lui seul, le processus de finissage d’un jean nécessiterait 42 litres d’eau en moyenne ? La palme du jean polluant revient au jean vintage, celui que l’on s’arrache pour son look délavé. Pour lui donner cet aspect un peu usé, certaines marques ont recours à la technique du sablage, qui consiste à projeter du sable à forte pression sur le tissu. Les ouvriers travaillent sans protection, inhalant les poussières de silice qui sont extrêmement toxiques et provoquent la silicose, maladie respiratoire incurable. Et « last but not least », un jean parcourrait en moyenne 65 000km depuis les pays de culture du coton jusqu’aux magasins de vente. Et sachez qu’un cargo de transport de marchandises équivaut à 50 millions de voitures en matière pollution au soufre. Quand on sait tout ça, au lieu de jeter son vieux jean à la poubelle, on lui redonne une nouvelle vie. Internet regorge de merveilleuses idées « DIY (Do It Yourself) ». Lors d’un stage, ma fille a transformé un vieux jean de son père en super sac à bandoulière, que je lui pique régulièrement ! Le grand fabricant de jeans bien connu pour ses modèles à trois chiffres, tente de se montrer responsable en proposant une collection « waste less » et une autre « water less ».

Ok pour le bio, mais l’éthique ?

De nombreuses émissions de télévision ont dénoncé les mauvaises conditions de travail imposées dans des usines délocalisées par les grands leaders du marché textile. Maind’oeuvre infantile, travail injustement rémunéré et conditions de travail déplorables se sont retrouvés au centre des discussions.
Les producteurs de vêtements écologiques ont une vision plus humaine et globale de leur secteur. Ils sont soucieux du respect de l’individu et travaillent souvent dans les conditions du commerce équitable en assurant une juste rémunération de la main d’oeuvre employée afin d’éviter toute exploitation, privilégiant la relation « win-win ». La chaîne de production est suivie de façon consciencieuse. Les solutions qu’ils proposent ont un impact minimal sur l’homme mais aussi sur l’environnement tant au niveau du choix des matières premières, de la conception, du transport, que de l’élimination des déchets.
Soumises à une grande pression et surtout à une « image peu glorieuse », la grande majorité des enseignes de mode et des marques de sport reconnait aujourd’hui leur responsabilité vis-à-vis des conditions de travail et du respect des droits des travailleurs. Certaines ont mis au point un code de conduite rendu public et basé sur une série de normes. Leur respect n’est pas toujours vérifiable et savoir si la démarche est honnête ou juste pour « s’acheter » un peu de bonne conscience est une question qui reste ouverte.



La traçabilité des vêtements est un autre problème dont la résolution n’est pas chose simple. Difficile de remonter la filière de sous-traitance. « Sans traçabilité, on ne sait pas vérifier, dans certaines entreprises, que les conditions humaines soient bien respectées » explique Bruno Gemenne, responsable du service mobilisation jeunes d’Oxfam-Magasins du monde.(3) « Il faudrait qu’il y ait des instruments législatifs pour pouvoir imposer à ces marques de vraiment publier toute la traçabilité de ce qu’elles proposent. Avec cette traçabilité, on donne un véritable pouvoir aux travailleurs et majoritairement ce sont des femmes qui vont savoir pour qui elles produisent ces vêtements, et donc vont pouvoir faire pression sur ces marques pour qu'elles respectent toute une série de standards de liberté, de condition humaine dans la fabrication de vêtements. » Certains mettent des QR codes sur les étiquettes, mais cet usage ne concerne pas encore une majorité de producteurs. Ce sont souvent les enseignes low cost qui sont montrées du doigt. Mais il ne faut pas se méprendre, un prix élevé n’est pas synonyme de vêtement éthique respectueux de la planète.

Quid pour la santé du consommateur ?

Sur l’ensemble des produits chimiques fabriqués dans le monde, environ 25% sont utilisés dans l’industrie textile4. Selon une étude Greenpeace, dans ce seul secteur, qui représente plus de 40% de l’activité manufacturière mondiale, 42% des produits chimiques sont employés par la Chine. En 2011, Greenpeace a débuté sa campagne « Detox » pour mettre en évidence le lien entre des entreprises manufacturières en Chine qui déchargent des substances chimiques dans l’eau, et des marques de renom comme les fabricants de sport Nike et Adidas. Les marques engagées dans le mouvement Detox représentent entre 15 et 20% du marché mondial. Ce n’est pas énorme mais c’est un bon début.

Les risques pour la santé dépendent de plusieurs facteurs : le produit chimique utilisé, le pourcentage présent et l’analyse du risque, autrement dit, le temps de contact entre la peau et le vêtement. Si plusieurs produits sont utilisés, l’interaction entre eux est une donnée importante également. Il y a deux groupes principaux de produits chimiques : ceux qui ont des effets allergènes et les cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, autrement dit CMR. Si une personne est sensible au premier groupe, les réactions peuvent aller de simples rougeurs à des brûlures cutanées. Dans le deuxième cas, les conséquences ont des effets pouvant être graves sur la fertilité et entraîner des mutations génétiques. La qualité des produits que l’on utilise pour laver les vêtements est d’une importance cruciale. Dans la mouvance « zéro déchets », la fabrication maison de produits de lessive a le vent en poupe. Une grande vigilance est demandée lors du choix et entretien des vêtements de bébé dont la peau est terriblement fragile.

Comment s’y retrouver ?

Comme pour la nourriture, il y a des labels et certifications qui garantissent que la fibre est issue de l’agriculture biologique. La plupart d’entre eux prennent aussi en compte des critères concernant le respect de l’environnement lors de la transformation de la fibre et interdisent les substances toxiques, ils exigent aussi l’application de certaines conditions sociales. Certains labels prennent uniquement en compte les valeurs humaines et ne portent pas sur l’origine de la fibre. Ces normes existent au niveau belge, européen ou international. Parmi ceux-ci : « GOTS » (regroupe plusieurs labels biologiques), Fair Wear Foundation, Fair Trade (anciennement Max Havelaar, label de commerce équitable) et « Oeko-Tex 100 » (reconnaissable sur les étiquettes par la mention « confiance textile » ce qui garantit un produit fini respectant la peau et la santé).

Et alors, on fait quoi ?

Question fringues, bienvenu aussi au slow, le fast fashion c’est démodé ! On le voit bien lors des soldes ou des journées spéciales comme le Black Friday, nous faisons la chasse aux bonnes affaires pour renouveler notre garde-robe, comme s’il y avait urgence, alors que l’important est justement de ralentir et de réfléchir, surtout quand on sait qu’une grande partie des vêtements ne seront presque pas portés mais vont envahir nos armoires.



Si vous souhaitez malgré tout continuer à acheter chez les marques phares de la grande distribution, privilégiez leurs gammes « respectueuses ». Même s’il y a matière à controverse, c’est déjà un bon début. Partez aussi à la découverte des nombreux magasins (voir sur www.slowfashion.be) à travers notre beau petit pays qui se spécialisent dans ces fringues de demain. Puisqu’il y a déjà tellement de vêtements en circulation, on allège notre portefeuille et la planète en dénichant des bonnes affaires lors des brocantes ou via une des nombreuses initiatives de vide-dressing qui ont vu le jour ces dernières années. Cela rallonge la longévité des vêtements. Quand on pense mode, il faut aussi penser droits de l’homme et respect de la planète car tout est lié. De nombreuses pétitions circulent pour demander aux fabricants d’évoluer vers une industrie textile plus respectueuse. Changer ses habitudes ne se fait pas du jour au lendemain mais chaque petit pas vers le changement est important.
Allez … il y a plus qu’à !

Vanessa Jansen

1 www.planetscope.com
2 Rapport du Conseil économique et social des Nations Unies du 19/02/2018
3 RTBF La Première 15/01/2018
4 Rapport du Conseil économique et social des Nations Unies du 19/02/2018



Paru dans l'Agenda Plus N° 306 de Avril 2019
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