La Conscience au-delà du corps une nouvelle vision “post-matérialiste”
La Conscience se colore de tout ce que nous expérimentons : de la mélodie qui nous trotte en tête à la douceur du chocolat, en passant par la douleur lancinante d’un mal de dent ou encore l’amour inconditionnel pour notre enfant… Quelle est la nature de la Conscience qui semble être en amont de l’expérience humaine ?
En février 2014 et en septembre 2015, de nombreux scientifiques de renommée internationale participaient à deux sommets uniques à Tucson, en Arizona, consacrés aux « sciences post-matérialistes » et à « l’après-vie ». Le but était d’évaluer l’impact de l’idéologie « mécaniste-matérialiste » dominante et d’accélérer l'émergence d'un nouveau paradigme post-matérialiste pour la science, la spiritualité et la société1. Le corps professoral de ces rencontres était composé de thérapeutes, cliniciens, spécialistes et chercheurs (en biologie, neurosciences, psychologie, médecine, psychiatrie, …) venant des États-Unis et d’Europe, tous impliqués à différents niveaux dans les soins palliatifs ou dans les recherches autour de la Conscience.
Pour ces scientifiques, il est devenu évident qu’une vision exclusivement matérialiste de la Conscience — l’idée qu’elle soit produite par le cerveau et annihilée par la mort physique — ne peut pas rendre compte des expériences incroyablement riches qui entourent la mort du corps et que l’urgence d’une nouvelle vision « post-matérialiste » est indispensable.
La caractéristique-clé de cette approche « post-matérialiste » repose sur l’évidence que la Conscience est « non locale ». Cela signifie qu’elle n’est pas confinée à des zones spécifiques de l’espace, tels que le cerveau et le corps physique, ni à des moments spécifiques dans le temps.
Avant d’explorer plus avant ces découvertes fondamentales, revenons à la toute première question :
Qu’est-ce au juste que la Conscience ?
Le terme de Conscience peut en effet faire référence à plusieurs concepts :
• au sens psychologique, elle se définit comme la « relation intériorisée immédiate ou médiate (qui se fait indirectement) qu’un être est capable d’établir avec le monde où il vit ou avec lui-même ». En ce sens, elle est fréquemment reliée aux notions de connaissance, d'émotion, d'existence, d'intuition, de pensée, de psychisme, de subjectivité, de sensation et de réflexivité.
• au sens moral, elle désigne la « capacité mentale à porter des jugements de valeur moraux […] sur des actes accomplis par soi ou par autrui ».
• elle peut aussi désigner la totalité formée par l’ensemble des représentations d’un sujet (tout au moins de ses représentations conscientes).
Si ces propositions de définition font de la Conscience une expérience prégnante pour tout être humain, elle n'en reste pas moins, comme le souligne par exemple André Comte-Sponville, « l'un des mots les plus difficiles à définir ».
Cette difficulté se heurte en effet à la problématique d'une Conscience tentant de s'autodéfinir. Comment la Conscience, qui est le seul sujet qui soit, pourrait-elle s’extraire d’elle-même pour s’objectiver, se regarder et se définir ? Il n’y a que le mental qui pourrait tenter de le faire, mais comme il est subséquent ou en aval de la Conscience, il ne peut « saisir » ce qui est en amont de lui afin d’en faire un objet d’observation…
Un proverbe bouddhiste formule l’adage selon lequel « un couteau ne peut se couper lui-même », tandis qu’Auguste Comte assure que personne « ne peut [...] se mettre à la fenêtre pour se regarder passer dans la rue » ou encore que le soleil peut projeter ses rayons en toutes directions sauf vers luimême, bien qu’il soit toujours illuminé par le simple fait d’Être… Il en est de même pour la Conscience.
La Conscience est non-mentale
La plupart des définitions de la Conscience proposées par les dictionnaires ne sont donc pas tout à fait exactes, puisqu’elles considèrent la Conscience comme un phénomène mental et/ou relié aux sens. Or, la Conscience n’est pas un phénomène mental, ni obligatoirement relié aux sens. Les recherches sur les Expériences de Mort Imminente (E.M.I. ou N.D.E. en anglais), sur la méditation ou encore sur certains états modifiés de conscience démontrent clairement que l’activité de la Conscience est totalement indépendante du fonctionnement mental. Des milliers de témoignages et de compterendus précis d’E.M.I. en témoignent : en l’absence du fonctionnement des sens et/ ou cérébral, non seulement la Conscience continue à percevoir les informations du monde phénoménal, mais elle les « capte » encore mieux sans les « filtres » imposés par les sens et les concepts mentaux !
Il en est de même pour un individu qui serait aveugle, sourd, privé de l’un ou l’autre organe ou de ses membres : est-il moins conscient qu’un autre être humain aux sens totalement fonctionnels ou à l’intégrité physique préservée ? La réponse est évidente : notre expérience de la Conscience n’est pas affectée par l’état du corps physique auquel elle semble reliée.
Par conséquent, la Conscience serait davantage un phénomène d’arrière-plan qui se traduirait par un sentiment de cohésion, d’unité, incluant toutes les perceptions sensorielles et les fluctuations émotionnelles et mentales, si elles sont présentes. Car, lorsque l’on interroge des méditants aguerris sur leur expérience de la Conscience, les réponses sont claires et confirmées par plusieurs études en neurosciences : en l’absence de perception, d’émotion ou de pensée, le sentiment d’exister demeure ! La Conscience n’est donc pas tributaire de « son contenu ». C’est le « Je » véritable et immuable au centre de toutes les expériences intermittentes. En ce sens, la Conscience peut être imaginée comme un contenant sans contour, indéfinissable, qui « voit », qui « écoute », qui « perçoit » le contenu du monde phénoménal. Du moins, lorsqu’il est présent ! Car, parfois, ce qui est perçu est « rien », comme dans le cas d’expériences méditatives de vacuité ou, plus simplement, dans le sommeil profond. Chaque matin, nous nous réveillons pourtant avec le même sentiment d’exister et même de continuité avec la veille. Certains pourraient rétorquer qu’ils ne sont pas conscients durant le sommeil profond. En réalité, ce n’est pas parce qu’il n’y a aucun objet perçu (même subtil, comme des images, pensées, rêves,…) que l’on peut dire que l’on n’était pas conscient durant le sommeil profond. La seule chose qui soit vraie est que nous ne nous en souvenons pas. Mais un trou dans la mémoire n’est pas un trou dans la Conscience. La Conscience ne s’arrête pas lorsqu’il n’y a rien à percevoir.
La Conscience est donc « ce qui voit » sans s’assimiler à ce qui est vu, « ce qui entend » sans s’assimiler à ce qui est entendu ; c’est un « non-lieu » abstrait car impossible à localiser dans le corps. La Conscience apparaît à chaque instant tel un écran sur lequel se déroulent toutes les activités du mental, en grande partie imaginaires (les représentations mentales du monde, des autres, de moi,…), les perceptions, ainsi que la vie émotionnelle et sentimentale. Et l’écran de la Conscience demeure toujours, avec ou sans film…
La Conscience non locale
Très peu de gens, y compris la plupart des scientifiques, réalisent que nous n'avons absolument aucune preuve que la Conscience soit réellement produite dans le cerveau et par le cerveau. Il ne fait aucun doute qu’il existe de nombreuses preuves cliniques et expérimentales montrant des interconnexions et des corrélations significatives entre, d’une part, l’anatomie, la physiologie et la biochimie du cerveau et, d’autre part, différents états de conscience. Mais de là à déduire que ces corrélations constituent une preuve que le cerveau est la source de la Conscience est un pas que de nombreux scientifiques se refusent désormais à faire. Une telle déduction équivaudrait à conclure que le programme télévisé est généré par le poste de télévision, car il existe une corrélation étroite entre le fonctionnement ou le dysfonctionnement de ses composants et la qualité du son et de l’image.
Cet exemple montre clairement que le lien étroit entre l’activité cérébrale et la Conscience n’exclut pas la possibilité que le cerveau soit simplement une antenne réceptrice ou un canal de la Conscience, mais ne la génère pas réellement. Les recherches, notamment sur les états holotropiques (Dr Stanislav Grof), ont rassemblé de nombreuses preuves autour de l’alternative, à savoir : la conscience n’est pas locale et n’est donc pas limitée au corps.
Ainsi, dans les états de conscience non ordinaires, altérés et les E.M.I., la Conscience peut aller bien au-delà des limites du corps et obtenir des informations précises sur divers aspects du monde matériel que nous n’avons jamais obtenues via nos organes sensoriels. Ce qui n'est possible que si la Conscience est de nature non locale. Dans des expériences transpersonnelles, chamaniques ou méditatives, la Conscience non locale peut s’identifier à d’autres individus, à des membres de différentes espèces du règne animal, des primates aux organismes unicellulaires, à la vie végétale et même à des processus inorganiques ; tout comme la Conscience peut fusionner avec l’Absolu dans des extases mystiques impossibles à traduire en mots. D’autres recherches démontrent que la Conscience peut aisément transcender le temps linéaire et vivre des séquences de vécus ancestraux et phylogénétiques, ainsi que des épisodes liés à l’inconscient collectif.
Thanatologie et E.M.I.
Une des preuves les plus convaincantes que la Conscience n’est pas produite par le cerveau et qu’elle puisse fonctionner indépendamment de celui-ci provient de la jeune discipline scientifique de la thanatologie ou l’étude de la mort. Même si notre culture ne semble pas encore l’avoir assimilé, il est désormais établi que la Conscience non locale des personnes en situation de mort imminente est capable d’observer avec précision l’environnement, divers lieux et événements proches ou lointains.
Les personnes cliniquement mortes (en état de mort cardiaque et même de mort cérébrale) peuvent observer leur corps et les procédures de sauvetage « d’en haut » (parfois à 360°) et « se déplacer » librement vers d’autres parties du même bâtiment ou instantanément vers des lieux éloignés. Des recherches indépendantes ont à maintes reprises confirmé l’exactitude des observations faites par la Conscience désincarnée et non locale (2).
De telles expériences rappellent de façon frappante les descriptions du « Bardo Thödol », le « Livre des morts tibétain ». Ce célèbre texte spirituel affirme qu’après s’être évanoui dans le « Chönyid Bardo », le mourant se réveille dans le « Sidpa Bardo » sous une nouvelle forme : le corps du bardo. Ce corps diffère du corps physique car il n’est pas composé de matière et possède de nombreuses qualités remarquables, telles que le pouvoir de mouvement sans entrave, la capacité de pénétrer à travers des objets solides et de percevoir le monde sans la médiation des sens.
Une étude approfondie menée par le Dr Kenneth Ring et ses collègues a ajouté une dimension fascinante à ces observations : les personnes qui sont aveugles de naissance et qui n’ont donc jamais rien vu de leur vie, peuvent percevoir l’environnement lorsqu’ils accèdent à la Conscience non locale au cours de diverses situations mettant leur corps physique en danger. La recherche thanatologique moderne a ainsi confirmé un aspect important des descriptions classiques des O.B.E. (expériences hors du corps), que l’on trouve dans la littérature spirituelle et les textes philosophiques.
Ces observations corroborent de nombreuses études et démontrent que la Conscience n’est pas un produit du cerveau et donc un épiphénomène de la matière. Selon le docteur et physicien quantique Amit Goswami, il n’existe même pas de « matière » d’où quelque chose pourrait être l’épiphénomène. Ce concept de « monde matériel » n’existe désormais plus à la lumière des découvertes en physique quantique. Au coeur de l’infiniment petit, nulle particule élémentaire solide et indivisible, mais un « océan d’énergie incommensurable où toutes les possibilités co-existent ». Des scientifiques comme le Dr Amit Goswami et d’autres physiciens quantiques rejoignent ainsi une vision spirituelle et métaphysique de l’existence où, non seulement, la Conscience n’est pas le produit d’une hypothétique « matière » que personne n’a jamais trouvée mais, mieux, la Conscience serait pré-existante au monde phénoménal dont elle serait l’unique substance.
De nombreux scientifiques affirment que cette nouvelle vision sera de plus en plus confirmée par les sciences, quelles que soient leurs domaines d’études.
Un pas plus loin
D’autres chercheurs en neurosciences et en physique quantique (théorie de la « conscience quantique ») vont encore plus loin en affirmant qu’un monde existant indépendamment de nos perceptions n’a jamais été expérimenté et ne le sera jamais, car un tel monde n’existe tout simplement pas.
Nous pensons que nous percevons tous un même monde extérieur, mais en réalité tout ce que nous voyons est notre propre perception. Il n’existe aucune preuve de l’existence d’un tel monde. Le mental peut lutter contre cette évidence, mais c’est pourtant vrai. L'expérience des autres individus prouve seulement leur expérience. Elle ne prouve ni notre expérience, ni l’existence d’un monde « en dehors » et indépendant de l’expérience. Ainsi, lorsque le mental, le corps et le monde apparaissent, ils apparaissent simplement comme la pensée, la sensation et la perception du moment. Chaque pensée, sensation et perception est seulement la coloration de la Conscience, tout comme l’image qui apparaît sur un écran est seulement la coloration de l’écran. Bien que les apparences changent, tout comme les images de l’écran, leur substance, la Conscience, reste toujours identique.
Les physiciens quantiques, tout comme les êtres éveillés de toutes traditions, vont jusqu’à affirmer qu’il n’existe pas de continuité entre les images qui apparaissent sur l’écran, autre que l’écran lui-même ; en d’autres termes, il n’existe pas de continuité entre les apparences du mental, du corps et du monde, autre que la Conscience en amont au sein de laquelle elles apparaissent et dont elles sont issues.
Le résultat est que nous avons l’illusion que le monde existe en dehors de nous et qu’il est identique pour chacun ou encore que le mental, le corps et le monde ont une continuité et que la Conscience est intermittente. C’est exactement l’inverse ! La Conscience est toujours présente et le mental, le corps et le monde (qui sont contenus en elle) sont intermittents.
Voilà un changement de perspective radical qui est pourtant au coeur de toutes les traditions spirituelles et que certaines branches de la science redécouvrent aujourd’hui avec émerveillement.
Même s’il faudra du temps pour que cette nouvelle vision imprègne le collectif humain, l’ancien paradigme opposant esprit et matière s’est effondré. Désormais, science et spiritualité s’unissent pour affirmer qu’il n’y a qu’une seule et unique Conscience sans division (non-duelle), sans limite (infinie) et atemporelle (éternelle) au sein de laquelle émerge le monde phénoménal. Un continuum de fréquences vibratoires vivantes, sans opposé, dont la substance même est faite de pure Conscience.
Olivier Desurmont
1 Le « Manifeste pour une science post-matérialiste » qui en a résulté a été publié dans la revue scientifique « Explore » et sur le site Internet opensciences.org.
2 Ring et Valarino, 1998 - Sabom, 1982 et 1998.
RÉFÉRENCES :
• « Voyage d'un neurochirurgien au coeur de la conscience » du Dr E. Alexander chez Guy Trédaniel
• « Mort ou pas ? Les dernières découvertes médicales sur les EMI » de P. Van Lommel chez InterEditions
• « Cette chose… » de J-J. Charbonier chez First
• « La transparence des choses - Contemplation de la nature de l'expérience » de R. Spira chez Accarias/L’Originel
• articles de S. Grof • pimvanlommel.nl
• non-duality.rupertspira.com
Paru dans l'Agenda Plus N° de