Quel futur pour notre planète ? Apocalypse ou … happy collapse* ?
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Quel futur pour notre planète ? Apocalypse ou … happy collapse* ?



Un vent d’apocalypse se lit en filigrane des nouvelles quotidiennes. Alors que certaines catastrophes sont bien réelles, est-il pour autant justifié d’annoncer une ‘crise systémique globale’ ? D’alerter sur un possible ‘effondrement du système’ ?



D’après les conclusions alarmantes des scientifiques australiens du « Breakthrough National Centre for Climate Restoration », notre mode de vie actuel est non seulement condamné, mais il ne nous resterait finalement que 30 ans, tout au plus, pour changer de trajectoire grâce à une mobilisation massive et prioritaire à tous les niveaux (individuel, régional, national et international).

L’Anthropo(bs)cène

Il faut bien le constater, l’Anthropocène, l’Ère de l’Homme, nous confronte à de sérieux problèmes environnementaux, énergétiques, climatiques, géopolitiques, sociaux et économiques qui ont aujourd’hui franchi des seuils de non-retour. Et toutes ces « crises » sont interconnectées, s’influencent et se nourrissent. Des chercheurs comme Pablo Servigne et Raphaël Stevens dans leurs ouvrages-phares « Comment tout peut s’effondrer » et « Une autre fin du monde est possible », co-écrit avec Gauthier Chapelle, rappellent que nous disposons aujourd’hui d’un immense faisceau de preuves qui suggère que nous faisons face à des instabilités systémiques croissantes qui menacent très sérieusement la capacité des humains à se maintenir dans un environnement viable. Il ne s’agit pas de simples « crises » dont on sort indemne. Il s’agit d’un potentiel effondrement du système. Ni plus ni moins.
Le mot « effondrement » est défini par l’« Institut Momentum » comme « le processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, énergie, etc.) ne sont plus fournis à une majorité de la population par des services encadrés par la loi ».
Il s’agit donc bien d’un processus à grande échelle, irréversible et qui a déjà commencé. Mais qui est concerné ? Les pays les plus pauvres ? L’ensemble du monde industrialisé ? Toute l’humanité ? La majorité des espèces vivantes ? Il n’y a pas de réponses claires à ces questions. Comme le souligne Pablo Servigne : « Nous n’avons pas la certitude que cela va arriver, mais la science ne peut pas non plus avoir la certitude que cela ne va pas arriver. C’est cette incertitude radicale qui nous met en mouvement. »

Pour résumer, actuellement nous sommes sûrs que :
• la croissance physique de nos sociétés va s’arrêter dans un futur proche (c’est l’impossibilité d’une croissance infinie dans un monde fini) ;
• nous avons altéré l’ensemble système- Terre de manière irréversible (à l’échelle géologique des humains) ;
• nous allons vers un avenir très instable dont les grandes perturbations seront la norme ;
• nous pouvons désormais être soumis à des effondrements systémiques globaux.

“ Notre maison brûle et nous regardons ailleurs.”
[Jacques Chirac - 2002]


Quand on sait, on n’agit pas pour autant…

Quel que soit notre niveau d’informations par rapport à ce sujet sensible, on peut dire que, désormais, tout le monde sait ou presque. Dès lors, comment se fait-il que les multiples alertes lancées depuis 50 ans n’aient pas porté leurs fruits ? Pourquoi, alors que nous savons que de grands dangers nous guettent, nous ne faisons rien ou si peu pour les éviter ? Au-delà de la protection des intérêts financiers privés, il y a au moins trois éléments de réponse, tous liés au fonctionnement même du cerveau humain:
- la dissonance cognitive
Mise en avant en ‘57 par le psycho-sociologue Léon Festinger, la dissonance cognitive permet de comprendre pourquoi « quand on sait, on n’agit pas pour autant ». Festinger explique que « pour ne pas se mettre psychiquement en danger, l’individu a besoin de créer une certaine cohérence entre ses croyances et ses actes. Quand la dissonance est trop grande, cela provoque une réaction de négation, de rejet, d’évitement ou d’oubli. » En d’autres termes, pour gérer nos nombreuses incohérences entre ce que nous savons au sujet de la planète et nos actions, nous allons occulter « ce que nous savons » pour rendre viable nos incohérences comportementales.
- les limites spatiales et temporelles
Les pressions de sélection des derniers millénaires ont fait du cerveau humain un outil très performant pour répondre à des stimuli concrets ‘ici et maintenant’, mais il l’est beaucoup moins lorsqu’il s’agit de se projeter dans des échelles plus vastes. Ainsi, on réagit plus à un serpent qui surgirait devant nous qu’à un rapport du GIEC qui parle de famines et de millions de morts. On dit que les crises sont trop rapides. En réalité, on pourrait tout aussi dire qu’elles sont trop lentes, dans le sens où elles n’arrivent pas assez vite pour obtenir notre attention.
- le ‘bug’ neuronal
Docteur en neurosciences et auteur du livre « Le bug humain », Sébastien Bohler explique que même si notre cerveau a longtemps été notre allié pour tirer le meilleur parti de son environnement, les neurones en charge d’assurer notre survie ne sont jamais rassasiés et réclament « toujours plus ». Avide, notre espèce hyper-consommatrice surexploite la planète et se met gravement en péril. La solution ? « Analyser en chacun de nous, et non plus seulement à l’échelon économique et politique, ce mécanisme infernal qui pousse notre cerveau à en demander toujours plus », explique le Dr. Bohler. Il cite notamment la nécessité de se tourner vers d’autres sources favorisant la sécrétion de dopamine (comme l’altruisme, la connaissance) ou encore la pratique de la pleine conscience.

De la collapsologie (1) à l’action apaisée

Même si nous sommes conscients des limites liées au fonctionnement même du cerveau, rares sont celles et ceux qui font l’économie de passer par les phases de choc, de déni, de colère, de peur et de dépression que peuvent naturellement susciter les informations ‘collapsologiques’. Dès lors, l’invitation serait d’apprendre à développer une ‘collapsosophie’ : une nouvelle forme de sagesse face à toutes ces prises de conscience… Cela pourrait même être une étape cruciale afin d’aborder de façon apaisée un 3ème aspect, celui de la ‘collapsopraxis’ ou l’art de s’organiser concrètement face aux effondrements en cours.
Pour que ce passage du savoir à l’action soit réellement efficace, nous devons prendre soin de notre intériorité, que cela soit au niveau psychologique, émotionnel et spirituel. Accueillir nos réactions et émotions, retrouver un avenir désirable et voir dans l’effondrement une opportunité n’est pas toujours confortable. Or, l’action constructive ne peut venir qu’après avoir franchi individuellement certaines étapes de « transition intérieure », ce qui ne manquera pas d’avoir une incidence sur le collectif humain.
Comme le soulignent les remarquables travaux de Clive Hamilton, Joanna Macy ou Carolyn Baker, ce n’est qu’en explorant ces émotions que nous retrouverons le goût de l’action et un sens à nos vies.
Evidemment, il n’est pas réaliste d’attendre que chacun ait accompli son processus avant de commencer à agir. L’action fait partie du processus, même si elle n’est peut-être pas encore « apaisée ». Raison pour laquelle certains choisiront la voie de l’insurrection violente, du repli ou même de la fuite. Toutefois, l’issue du processus semble toujours mener à la mise en place d’alternatives non-violentes et solidaires : coopératives citoyennes de production d’énergies renouvelables, systèmes alimentaires locaux et soutenables (agriculture urbaine, permaculture, AMAP, jardins partagés,…), initiatives de transition, émergence des Low-Tech2, nouveaux modèles économiques, etc. Les exemples ne manquent pas.
Quelle que soit l’étape dans laquelle nous nous trouvons, il est essentiel de « travailler sur soi », tout en agissant à notre échelle, car c’est en agissant que notre imaginaire se transforme et modifie celui du monde. Et notre humanité a grandement besoin de nouveaux récits fondateurs.

Réensemencer notre imaginaire

Aujourd’hui, les récits culturels dominants nous parlent de technologie, de compétition et de la loi du plus fort comme principes de vie. Mais ces histoires périmées tournent folles et s’entretiennent elles-mêmes dans une spirale infernale.
Il est donc essentiel d’apprendre à imaginer de nouveaux récits qui permettent de ne pas entrer en dissonance cognitive et en déni. Nous avons besoin de nouvelles histoires transformatrices pour entrer dans cette période d’incertitudes, des histoires qui raconteraient, par exemple, la réussite d’une génération à s’affranchir des énergies fossiles grâce à l’entraide, au partage et à la coopération.
Ce réensemencement de notre imaginaire s’appuie notamment sur les travaux de Joanna Macy, spécialiste du bouddhisme, de l’écologie profonde et de l’écopsychologie. Pour elle, trois grands récits sont actuellement à l’oeuvre sur la planète : celui du « Business as usual » selon lequel le progrès et la croissance devraient apporter toutes les solutions aux problèmes actuels ; celui du « Grand Naufrage » qui conduirait à une quasi-extinction de la vie sur Terre ; enfin celui du « Changement de cap » qui nous permettrait de nous réorienter vers une « société qui soutienne la Vie ».
Alors, quel récit souhaitons-nous nourrir en nous et autour de nous ?

Décroissance et résilience

« Les esprits malins (…) parlent de croissance verte pour lutter contre les dérèglements climatiques et changer les modes de production. Mais le mot est faux. Le concept n’existe pas. Ce qu’il faut organiser, c’est la décroissance. Consommer moins, voyager moins, se déplacer moins, produire moins : c’est de la décroissance », souligne le journaliste politique J-M. Aphatie.
A toutes les échelles du système, le leitmotiv est donc la décroissance et la résilience, c’està- dire le fait de ralentir, tout en augmentant les capacités des individus et des collectivités à s’adapter aux diverses perturbations systémiques.
Au niveau économique, il s’agira d’inventer une économie de « descente énergétique » non plus basée sur un système-dette, mais sur d’autres paradigmes bien plus raisonnables, tels que la sobriété volontaire et le partage équitable.
La sobriété volontaire et heureuse, comme l’aime à rappeler Pierre Rabhi, est d’ailleurs une des clefs de voûte de la transformation du système. Imaginez l’impact d’une population qui reviendrait juste à l’essentiel, en boycottant tout ce qui n’est pas aligné au respect de la vie, produisant, troquant ou achetant uniquement des produits bio, locaux et de saison. Ajoutons à cela une autorégulation des naissances grâce à des politiques natalistes adaptées (afin de rester sous la barre des 10 milliards de terriens car la rareté des ressources ne peut pas répondre à l’explosion démographique actuelle), la mise en place d’une nouvelle démocratie qui replace la Vie au sommet des intérêts communs, une conversion massive à l’alimentation végétarienne (voir rubrique « Air du temps »), un programme global de reforestation, … et le cercle vicieux serait enfin rompu au profit d’un nouveau cercle vertueux, aux bénéfices immenses pour l’ensemble du vivant et de la planète.



Le plus grand défi de l’Histoire

Même s’il n’y a pas de solutions parfaites, il y a les solutions simples, connues, que chacun peut mettre en oeuvre et un travail beaucoup plus profond qui consiste à entièrement revoir ce que l’on souhaite en tant qu’espèce, notre rapport à la Nature, au Vivant… C’est peutêtre cela la bonne nouvelle : nous sommes la génération qui doit tout réinventer ! Sans quoi elle périra ou survivra dans un anthropocène dévasté, dans un monde qui aura perdu son sens car privé de sa beauté et de son incroyable biodiversité qui en fait évidemment toute sa valeur. Il y a donc un travail individuel, collectif, politique, économique, éthique, mais aussi spirituel. Et même si nombreux sont celles et ceux qui ont peu d’espoir que l’humanité y arrive dans le temps imparti, les changements doivent être menés « du mieux que l’on peut » car ils ont le potentiel de réenchanter notre rapport à la Nature et apaiser la folie capitaliste avec les inégalités quasi obscènes que l’on connaît.
Fini de faire les choses dans la démesure juste parce que l’on sait les faire, il est temps de devenir raisonnable. Quitter la ‘pathoadolescence’ et devenir adulte. Développer des entraides, des alliances avec les autres espèces partageant la même planète, car en situation d’urgence, c’est le « lien » qui peut véritablement nous sauver.
Il est aussi nécessaire de s’inspirer d’autres rapports au réel comme de nombreuses peuplades ancestrales les avaient inventés.
Ce n’est évidemment pas une régression, un retour au passé. Cela peut même être perçu comme une « croissance » puisque le cerveau humain semble fonctionner sur ce mode. Non plus une croissance matérielle mais une croissance qui serait définie comme allant vers plus d’entraide, de solidarité, de partage, de relations authentiques, de respect de la vie, de transcendance et… d’Amour.

Alors, apocalypse ou… happy collapse ?

Notre planète Terre, oasis d’abondance dans un vaste désert intersidéral, est unique. Malheureusement, l’Homme la perçoit comme un gisement de ressources qu’il pourrait, dans son aveuglement, épuiser jusqu’au dernier élément. On ne détruira pas la planète car elle possède d’exceptionnelles capacités de régénération. Par contre, l’espèce humaine s’auto-détruira peut-être à cause de la toutepuissance infantile de l’Homme vis-à-vis de la Nature destituée de ses vertus sacrées. Devenu fou, l’Homme-cannibale dévore sa mère nourricière. Ce faisant, il est en train de s’auto-exclure de la Vie.
Les effondrements sont en cours et de nombreux chocs sont désormais inévitables. Actions — réactions. Heureusement, une multitude de terriens travaillent déjà, audelà des anciennes frontières, à inventer une nouvelle société positive, à forger de nouveaux imaginaires, de nouvelles histoires plus solidaires, plus authentiques et résilientes. Inventer un nouvel avenir, imaginer « la suite du monde », n’est pas une mince affaire. Les changements seront bouleversants ou tout simplement magnifiques.
Il y a dans le monde et au coeur de la Vie assez de créativité pour changer de système de valeurs. Pour que l’Humain et la Nature prévalent enfin contre le profit et le PIB. Pour que l’étincelle de Vie s’éveille dans chaque coeur humain, telle une myriade d’étoiles à l’oeuvre pour réensemencer la planète.
Nous avons toutes les clefs en main pour faire basculer les plateaux de la balance et passer de l’apocalypse au « happy collapse » : l’effondrement heureux et salutaire !

Olivier Desurmont

* titre génial de la conclusion du livre « Une autre fin du monde est possible » (voir références).
1. néologisme issu de l’anglais ‘to collapse’ (s’effondrer), inventé par P. Servigne et R. Stevens, désignant l’étude de l’effondrement de la civilisation industrielle.
2. voir article « ‘Low-tech’… le futur du ‘high-tech’ » publié dans ETRE Plus de juin 2019.

RÉFÉRENCES :
• « Comment tout peut s’effondrer » et « Une autre fin du monde est possible », P. Servigne, R. Stevens, G. Chapelle (2ème ouvrage), Ed. Seuil
• « Le bug humain », S. Bohler, Ed. Laffont
• « Ne plus se mentir » de J-M. Gancille, Ed. Rue de l’échiquier
• « Yggdrasil » n°1 • « Collapse » de J. Diamond chez Penguin Books
• effondrementetrenaissance.com



Pour aller plus loin, ‘ÊTRE PLUS’ a rencontré deux spécialistes :



Rob Hopkins

What if …et Si … on atteignait le point de basculement
Vous souvenez-vous ? Dans le film « Demain » il y a déjà 3 ans. Rob Hopkins était cet habitant d’une petite ville du Kent en Angleterre qui a initié le concept de réseau transition à Totness. La monnaie locale avec David Bowie en effigie, l’économie circulaire, les potagers en ville « incroyables comestibles » et de nombreuses autres initiatives. Le but : réduire l’emprunte carbone en consommant local et valoriser les relations interpersonnelles au sein de la ville. Un magnifique concept initié en 2005 et qui depuis s’est propagé dans le monde comme une traînée de poudre. La Belgique est également très active et ne compte plus les initiatives en transition aux quatre coins du pays. Nous avons interviewé Rob Hopkins après sa très belle conférence donnée à Louvain-la- Neuve le 25 septembre dans le cadre du Festival Maintenant.
Cette interview s’est passée en voiture lorsque nous l’avons raccompagné de Louvain à la gare du midi. Discussion assez informelle au sujet de sa conférence et des questions que nous nous posions suite à celle-ci. Voici ce qu’il dit en substance :

Sophie : Face au changement climatique et aux conséquences annoncées, que pouvons-nous faire au lieu d’attendre que la question soit résolue par des personnes au pouvoir?

RH : Nous pouvons agir maintenant, ici et ensemble. La transition peut se résumer en deux mots « Et si ... ». Et si nous créions notre monnaie locale... et si nous nous unissions pour construire nos habitats... et si nous installions des potagers partagés...
Beaucoup de personnes répondent oui mais ... si le système s’effondre, oui mais si nous sommes envahi de réfugiés climatiques, oui mais si Trump et Bolsonaro continuent de polluer la planète avec leurs visions de climato sceptiques... à quoi servent ces initiatives locales ?
Lorsque vous placez votre focus sur tout ce qui ne va pas ou risque de se passer, les gens se ferment et se découragent. L’être humain a besoin d’entendre des récits positifs, des histoires d’hommes et de femmes qui se retroussent les manches pour développer des projets novateurs et bénéfiques à l’environnement. Le réseau transition en regorge dans le monde. Je voyage à travers des pays (toujours en train, je ne prends plus l’avion depuis 2006) dans lesquels je rencontre des personnes enthousiastes qui agissent pour réaliser des projets de transition. Et ça donne « la patate ». Il est important de placer son focus sur les initiatives qui marchent, qui rassemblent, qui relient.
Si vous vous sentez découragé, rapprochez-vous de personnes ou d’associations qui agissent et qui oeuvrent pour des projets bénéfiques à la réduction des émissions carbone et à remettre du lien entre les personnes. En Angleterre, ces initiatives ont du poids et influencent les pouvoirs politiques.

Sophie : Je vois parfois des personnes découragées car elles voient peu de gens comme eux changer d’attitude et de comportement face aux urgences climatiques. Ces personnes continuent de prendre souvent l’avion ou à faire de longs voyages sans se soucier de leur empreinte carbone, elles ont de grosses voitures, elles consomment bien au-delà du nécessaire ou du raisonnable. Que répondre à cela ?

RH : J’observe, petit à petit, que même si ces personnes n’ont pas envie de sortir de ce confort qu’elles ont créé autour d’eux, ce sont leurs enfants qui vont les y pousser. Ils vont demander des comptes à leurs parents, les juger quand elles continuent de conduire leurs 4x4, voyager dans des pays lointains et continuer à vivre dans de grosses maisons. Ce sont les enfants qui vont pousser les plus réticents à bouger les lignes, à changer de comportements.
Cela fait des années que de plus en plus de personnes innovent, transitionnent, militent pour un changement de comportement et de politique face aux urgences climatiques et environnementales. Ce mouvement ne fait que croître. Regardez en Suède avec Greta Thunberg, les Suédois ont réduit de 15 % la fréquentation des avions et cela en un an car les enfants sont venus chez leurs parents et ont dit « on ne prend plus l’avion ».
En Angleterre, il y a 15 ans, on laissait son chien déféquer n’importe où dans la rue, cela ne posait pas de problème. On fumait au restaurant à côté d’une femme enceinte, ça ne posait pas de problème. Essayez aujourd’hui et vous verrez les réactions autour de vous ! On peut faire changer les choses.
Plus les personnes motivées, les projets de transitions, les personnalités du show biz (nous avons vu récemment Jane Fonda, Harrison Ford, Leonardo Di Caprio militer pour le climat) et du monde politique parleront de l’urgence à changer les choses et agirons, plus nous nous approcherons d’un point de basculement au-delà duquel le reste de la population suivra, inévitablement. Bien-sûr il y a Trump, Bolsonaro et d’autres mais vous voyez aussi les partis « verts » qui grimpent dans les sondages et aux élections, l’ambitieux projet « Green New Deal » parti d’Europe et qui s’incarne prend de l’ampleur aux US, de plus en plus de jeunes s’engagent en politique pour défendre des projets climatiques, il y a maintenant 50 pays qui développent le concept de ville en transition, les marches pour le climat emmenées par des jeunes rencontrent un succès phénoménal dans de nombreux pays sur la planète. Je pense que nous approchons ce point de basculement qui va entraîner tout le monde à prendre conscience et à agir pour la planète, pour l’humanité, pour le vivant, de là où il est, petits et grands, faibles et puissants, anonymes et personnes publiques .



Extinction Rebellion, désobéir pour le climat

Rob nous dit : « ma femme est en ce moment au tribunal ». Ah bon répondons-nous et que lui reproche-t-on ? Elle a manifesté il y a deux semaines à Londres avec Extinction Rebellion.

Quel est ce mouvement au nom un peu « agressif » ?

Il s’agit d’un regroupement pacifique de personnes qui désirent une plus grande prise de conscience et plus d’action de la part des instances politiques pour réduire les émissions carbones et les inégalités sociales. Ce mouvement a été initié en Grande Bretagne et existe aujourd’hui dans de nombreux pays ( US, France, Allemagne, Australie, Belgique, ...). Les gens se regroupent pour mener des actions directes non violentes. Il s’agit de désobéissance civile. Par ex, ils vont s’asseoir sur un pont, en silence ou en chantant. Ils agiteront des panneaux mentionnant l’extinction de telle espèce ou demandant plus d’action pour réguler ce réchauffement. Il n’y a aucune violence. Les gens se font parfois arrêter et peuvent même être traduits en justice mais cela ne va pas plus loin. Ma femme a même rencontré des policiers qui comprenaient leur cause et étaient respectueux des manifestations même s’ils avaient des consignes d’évacuer le plus grand nombre. En Grande Bretagne, ces manifestations ont fortement influencé les pouvoirs politiques et de nombreuses villes anglaises ont déclaré l’état d’urgence climatique et gouvernementale. Les actions de septembre et octobre font bouger les lignes en Belgique, en France, aux Pays- Bas ,... Je soutiens entièrement ce type d’initiative pacifique pour aider le politique et les citoyens à une meilleur prise de conscience et à agir pour une planète plus propre et vivable pour tous.





Pierre Larrouturou

L’argent existe, pourquoi ne pas l’utiliser plus intelligemment ?

En juin 2019 lors d’une conférence à Bruxelles, aux côtés de Nicolas Hulot, Pierre Larrouturou a tiré la sonnette d’alarme à propos du climat, mais a surtout livré un message positif chargé de solutions et d’espoir. Pierre, ingénieur agronome, économiste et fondateur du parti « Nouvelle Donne », est également fondateur de l’association « Agir pour le climat » qui a pour objet exclusif de promouvoir le Pacte Finance Climat ; depuis Mai 2019 il est euro-député et au bon endroit pour défendre ce pacte !


Réussir la transition est une obligation et une opportunité


Face au monde qui va mal et au climat qui est en perte d’équilibre, Pierre Larrouturou attire notre attention sur la notion d’urgence. Au Mali, pays ayant connu la sécheresse la plus grave depuis 1600 ans, on parle de SIDA climatique. Les dérèglements généreront autant de morts et de souffrances que la maladie si nous ne réagissons pas rapidement, alors que la contribution des pays d’Afrique à l’émission de CO2 est minime. Mais nul besoin d’aller aussi loin pour constater les dégâts. Des inondations, incendies sans cesse plus dévastateurs et fréquents surviennent dans de nombreux pays européens avec des conséquences sur l’agriculture, les populations et l’économie qui devraient suffire à une prise de conscience. Pour l’économiste, « il est temps de faire la guerre pour le climat, la seule guerre qui ne fera aucun mort, mais qui sauvera des vies et rassemblera les peuples ».

Le nerf de la guerre

Réduire par deux nos émissions de CO2 d’ici 2030 exige des moyens financiers considérables. La proposition décapante portée par Pierre est de mettre les finances européennes au service de la transition écologique. Si, en 2008, pour sauver les banques, 1.000 milliards ont été trouvés, c’est que l’argent existe. Comment faire me demanderez-vous ? Finalement ce n’est pas si compliqué. Cela passe par un « Pacte Finance Climat » requérant deux outils :

1. Elle aurait pour mission d’octroyer annuellement aux pays signataires du traité, un prêt correspondant à 2% de sa richesse nationale (PIB), à taux zéro, durant 30 ans. Cela représenterait de l’ordre de 1.100 milliards d’euros par an (coût annuel pendant 30 ans de la transition selon la Cour des Comptes Européenne). Pour mémoire, depuis avril 2015, la BCE a créé 2600 milliards en 3 ans pour « relancer la croissance » ! Seulement 11% de cette somme sont allés directement dans l’économie réelle et 89% à la spéculation !

2. La création d’un budget climat au niveau européen. Il serait de 100 milliards et proviendrait d’une imposition à 5% des bénéfices des entreprises (les artisans et les petites entreprises seront épargnés): 40 milliards pour un plan Marshall pour l’Afrique (lourdement impactée par le dérèglement climatique), 10 milliards pour un vrai plan de recherche pour des modes de transports et de télécommunication alternatifs et 50 milliards pour aider chacun de nous à financer la lutte contre le réchauffement climatique dans nos vies privées ou nos entreprises afin d’entreprendre des travaux d’isolations et de réductions d’émission de CO2.

Cela aurait un effet catalyseur primordial et serait créateur de très nombreux emplois pérennes (900.000 en France selon l’ADEME).
Les tractations à l’échelon européen sont engagées et progressent. Nous espérons des nouvelles encourageantes d’ici la COP25, qui se tient au Chili début décembre prochain.



Paru dans l'Agenda Plus N° 312 de Novembre 2019
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