La psychologie positive pour un épanouissement optimal
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La psychologie positive pour un épanouissement optimal



La psychologie classique s’est principalement intéressée aux vulnérabilités, aux souffrances et aux maladies mentales des individus, mais beaucoup moins à leur épanouissement et à leur bien-être. La psychologie positive vise à rétablir l’équilibre en étudiant ce qui épanouit les êtres humains afin d’augmenter leur résilience et nourrir le meilleur en eux.



La double question « qu’est-ce qui ne va pas chez les individus et comment y remédier ? » a guidé la réflexion de nombreux chercheurs et motivé d’innombrables études scientifiques au cours du 20ème siècle. C’est une question qui a effectivement toute son importance. Dans les tentatives d’y répondre, les différents domaines de la psychologie ont acquis une meilleure compréhension du fonctionnement psychique humain et de nombreuses maladies mentales, ce qui a permis de développer des traitements effi caces pour un large éventail de problèmes.
Cependant, la conséquence inévitable de l’étude des aspects ‘négatifs’ de la psyché humaine a créé une importante focalisation sur la pathologie. Les diverses branches de la psychologie se sont donc concentrées de manière disproportionnée sur ‘ce qui ne va pas’ et comment y remédier, tout en consacrant relativement peu d’attention aux facteurs positifs qui ‘nourrissent la vie’.
Au fur et à mesure que le 21ème siècle se déploie, un nouveau questionnement émerge : « qu’est-ce qui va bien chez les individus et comment l’amplifi er ? » Cette question, toute aussi essentielle, est au coeur de la psychologie positive !
Ce domaine relativement récent de la psychologie peut être défi ni comme « l’étude scientifi que de tout ce qui rend la vie plus intéressante et digne d’être vécue » (Peterson), c’est aussi « l’étude des conditions et des processus qui contribuent au fonctionnement optimal des personnes, des groupes et des institutions » (Gable) ou encore « l’étude scientifi que des forces et des vertus humaines », selon Martin Seligman, considéré comme le père fondateur de la psychologie positive (voir encadré ci-dessous).



Une psychologie des ressources

L’idée centrale de la psychologie positive est de mettre l’accent sur les forces plutôt que sur les faiblesses, en renforçant le ‘bien’ au lieu de réparer le ‘mauvais’ ou ce qui est jugé comme tel. Concrètement, cette approche orientée ‘ressources’ se concentre sur les événements qui infl uencent bénéfi quement l’existence des individus et des groupes auxquels ils participent. Les principes de la psychologie positive peuvent en effet s’appliquer également au sein d’organisations, de systèmes et d’institutions entières.
Son champ d’études et d’actions passe ainsi par tous les sujets qui touchent aux forces inhérentes de l’être humain : l’optimisme, la satisfaction, le bonheur, le bien-être, la gratitude, la compassion, mais aussi l’auto-compassion, l’estime de soi et la confi ance en soi. L’idée est d’apprendre à aider les individus et les groupes à s’épanouir et à vivre la meilleure vie possible.



De nombreux bienfaits

Parmi les bienfaits découverts dans les différents domaines de la psychologie positive, celui qui est souvent cité en premier est le « changement de regard » ou « de perspective ». Ce dernier est d’ailleurs l’objet de nombreuses techniques, exercices et méthodes d’épanouissement personnel et de coaching. Des programmes entiers se basent sur cet aspect de la psychologie positive. On sait en effet qu’il suffi t parfois d’un tout petit changement dans la façon de percevoir les choses (et donc de les interpréter) pour entraîner des transformations étonnantes, autant dans notre vie extérieure qu’intérieure (la première étant le refl et de la seconde). Changer de regard et passer de la vision du ½ verre vide au ½ verre plein est une action simple, accessible à tous et qui peut avoir des effets très puissants dans notre vie.

De nombreuses études dans les domaines de la psychologie positive ont mis en lumière d’autres effets remarquables, voici quelques exemples :
• « la gratitude contribue grandement au bonheur : plus nous cultivons la gratitude, plus nous sommes heureux » (Seligman, Park & Peterson, 2005)
; • « le bonheur est contagieux : plus nous connaissons de gens heureux, plus nous sommes susceptibles d’être heureux à notre tour
» (Fowler & Christakis, 2008) ;
• « l’impact de l’argent sur le bonheur est toujours surestimé : moins nous focalisons sur l’atteinte de la richesse matérielle, plus nous sommes heureux
» (Aknin, Norton & Dunn, 2009)
; tout comme : « dépenser de l’argent pour vivre des expériences stimule davantage le bonheur que de dépenser de l’argent pour des biens matériels » (Howell & Hill, 2009)
; • « la sécrétion d’ocytocine entraîne une plus grande confi ance, empathie et moralité chez les humains, ce qui signifi e que plus nous donnons des câlins ou d’autres manifestations d’affection physique, plus nous amplifi ons notre bien-être » (Barraza & Zak, 2009).

La psychologie positive se prête également à d’importantes améliorations sur le lieu de travail. Des études sur le terrain ont en effet révélé que :
• les émotions positives stimulent considérablement notre performance au travail ;
• elles sont contagieuses, ce qui signifi e qu’une personne ou une équipe positive peut avoir un effet d’entraînement qui s’étend à l’ensemble de l’organisation ;
• de petites actions toutes simples peuvent avoir un grand impact sur notre bonheur et celui d’autrui, ce qui signifi e qu’il n’en faut pas beaucoup pour que notre lieu de travail devienne un endroit plus heureux et plus positif (Kjerulf, 2016).

Un autre avantage à pratiquer une perspective psychologique positive au travail (et à la maison) est la création d’un cercle vertueux : « non seulement le succès nous rend plus heureux, mais le fait de nous sentir plus heureux augmente nos chances de succès » (Lyubomirsky, King & Diener, 2005).



Les trois types de vie heureuse et le « flow »

Pour évaluer le bonheur des individus, Martin Seligman l’a catégorisé afi n qu’il soit plus facile ment « mesurable ». Il défi nit ainsi trois types de « vie heureuse » :

1- la vie plaisante qui consiste à avoir le plus d’émotions positives et de plaisirs possibles en ayant les capacités de les amplifi er et en les appréciant à leur juste valeur. Cela comporte néanmoins quelques inconvénients, notamment : la perception que l’on a de nos émotions positives est à 50% génétique et on s’habitue très rapidement aux émotions positives qui peuvent ainsi perdre de leur attrait.

2- la vie d’engagement qui consiste à être pleinement absorbé et engagé dans différents domaines de la vie comme le couple, la famille, le travail, les loisirs, etc. Seligman illustre la vie d’engagement par l’exemple de Len, un ami à lui, milliardaire à la tête d’une entreprise de courtage et champion de bridge, mais qui n’a aucune vie sentimentale satisfaisante et ressent très peu d’émotions positives. Pour autant, Len s’estime vivre une vie heureuse. Seligman explique cet état de fait par le concept de ‘fl ow’, un état d’absorption total dans une tâche. Len a la capacité de se focaliser entièrement sur son travail et son loisir, le temps est comme fi gé quand il pratique ces activités et il ne ressent alors pas plus d’émotions négatives que positives. Les notions de plaisir et de ‘fl ow’ s’opposent dans le sens où le plaisir est pleinement ressenti alors que pendant le ‘fl ow’ aucune émotion n’est ressentie, néanmoins les deux sont sources de bonheur.

3- la vie pleine de sens qui consiste à connaître nos valeurs et y aligner nos comportements, ce qui nous permet de vivre une vie plus riche et cohérente. Dans le tumulte du quotidien, nous avons tendance à nous désynchroniser de nos valeurs, à fonctionner en « pilote automatique » et/ou à pratiquer involontairement de la ‘dissonance cognitive’. L’idée est de reprendre les commandes afin de suivre la direction indiquée par la boussole de nos valeurs. Le top de la vie pleine de sens ? S’engager et prendre plaisir dans des actions et des buts plus grands que soi !

Vie heureuse = vie satisfaisante ?

La variable principale sur laquelle ont travaillé les pionniers de la psychologie positive est la satisfaction des individus par rapport à leur vie. Ils ont donc cherché à savoir dans quelle mesure chacune des trois « vies heureuses » contribuait à cette satisfaction. Les résultats montrent que la recherche de plaisir contribue très peu à la satisfaction de la vie alors que l’engagement et la quête de sens sont les deux variables qui y contribuent le plus. Le plaisir devient important seulement si l’engagement et le sens sont déjà présents. La somme des trois types de vie amène une vie beaucoup plus heureuse que chacune prise individuellement, c’est ce que Seligman appelle la « vie pleine » (« full life »). A l’inverse, si aucune de ces dimensions n’est présente, il parle de « vie vide » (« empty life »), la somme vaut alors moins que chacune prise séparément.

Le bonheur ‘personnel’ n’est pas suffisant

Il pourrait être séduisant de penser que si la psychologie positive peut nous amener à vivre une vie plus heureuse et satisfaisante à titre personnel, tout serait parfait. Pourtant, même si nous mettions tous nos efforts dans cette quête du bonheur « égoïste », il y a peu de chances que le résultat soit probant. Comme l’indique Martin Seligman : « Ce qui relie le mieux le bonheur et le bien-être, où que vous soyez sur la planète, c’est la gratitude et le lien. C’est pourquoi la psychologie positive vise à enseigner et mettre en pratique des compétences pour développer de bonnes relations sociales. » Sur le même plan, le psychologue positif Jacques Lecomte précise que : « La psychologie positive est à la fois un art de vivre avec soimême mais aussi avec les autres. C’est dans cette optique qu’elle peut constituer un formidable moteur du changement social et planétaire. »

Les cinq clefs

Pour structurer les lignes de force de la psychologie positive, le modèle PERMA offre un cadre pour comprendre et améliorer le bien-être des êtres humains. Ainsi, pour amplifier nos expériences positives et le bonheur qui en découle, il est suggéré de nous concentrer sur les cinq clefs qui le composent :

• P pour « positive emotions » (émotions positives) : l’objectif est de valoriser et cultiver nos émotions positives, vivre plus de choses qui nous rendent heureux et développer la notion de plaisir dans notre routine quotidienne ;
• E pour « engagement » : l’idée est de vraiment s’engager dans le présent, dans notre vie, mais aussi dans nos relations aux autres ; poursuivre des loisirs qui nous intéressent, développer nos compétences et rechercher un emploi adapté à nos passions ;
• R pour « relationships » (relations) : accepter les autres tels qu’ils sont afin de nous inspirer de leurs richesses, travailler à établir des relations plus positives et plus solidaires avec notre famille, nos amis, nos proches, nos voisins, nos collègues ;
• M pour « meaning in life » (sens dans la vie) : que voulons-nous faire de notre vie ? Quelles sont nos priorités ? Qu’est-ce qui donne du sens à notre vie, à nos actions quotidiennes, à notre travail ? Et si nous ne le trouvons pas dans notre profession, recherchons- le dans des opportunités de bénévolat, des loisirs ou agissons comme mentor pour les autres ;
• A pour « accomplishment » (accomplissement, réalisation) : qu’aimerions-nous réaliser dans notre existence ? Quels sont les grands accomplissements qui comptent vraiment pour nous ? Les défis que nous aimerions relever ? Concentrons-nous sur la réalisation de nos objectifs (mais sans obsession ni rigidité) — « gardons toujours nos ambitions en équilibre avec tous les autres aspects importants de notre vie » (Seligman, 2011).



En plus de ces cinq clefs essentielles au sentiment de bien-être, les praticiens en psychologie positive conseillent également :
• d’écrire dans un journal de gratitude* (au moins une fois par semaine) les événements les plus positifs que nous avons vécus et la façon dont nous y avons contribué ;
• de s’exercer à communiquer ouvertement nos émotions avec notre entourage ;
• de développer not re capaci té à l a pleine conscience ou pleine présence, c’est-à-dire de régulièrement faire le choix de ralentir afi n de revenir totalement ici et maintenant ; que cela soit de façon passive (méditation, contemplation, écoute,…) ou active (lors de diverses actions et tâches ménagères réalisées en totale présence).

En encourageant l’épanouissement des individus et en facilitant leur accès au bonheur, la psychologie positive est une véritable science du développement des plus belles potentialités de l’être humain et de toutes les communautés dont il fait partie. En ce sens, elle représente également une magnifi que opportunité d’apaisement, de solidarité et même une source de joie pour l’humanité dans son ensemble et la transition planétaire qui s’amorce.

Olivier Desurmont

RÉFÉRENCES :
« Psychologie positive : le bonheur dans tous ses états », collectif chez Jouvence
• « La psychologie positive » de R. Shankland & S. Lantheaume, In Press
• « Psychologie positive et écologie » de L. Garnier, Actes Sud
• positivepsychology.com
• lapsychologiepositive.fr
• psychologies.com



Paru dans l'Agenda Plus N° 315 de Mars 2020
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