Cultiver l’optimisme (en temps troublés), nourrir le positif contre vents, crises et marées...
Rester positif peut représenter un véritable défi lorsque l’on pense à tout ce qu’il se passe dans le monde. C’est encore plus difficile quand les gens autour de nous ont tendance à se plaindre constamment... Cela ne signifie pas pour autant que nous devrions rejoindre le rang des pessimistes — bien au contraire : cela nous rappelle qu’il est plus important que jamais de cultiver l’optimisme !
Êtes-vous du genre « demi-verre-pleiniste » ou « demi-verre-vidiste » ? Ou oscillez-vous entre les deux tendances en fonction de la résonance des événements en vous ?
≠Souvent, l’on imagine les optimistes comme vivant dans une sorte d’enthousiasme continu où, quoi qu’il se produise, un positivisme béat l’emporte sur le reste... Et s’il existait une infinité de nuances en fonction des individus et des événements ? Mieux, si l’optimisme n’était pas une qualité figée que l’on possède ou pas, mais une direction vers laquelle l’on chemine ? Ou encore un état d’être qui se déploie et s’incarne en fonction d’un choix délibéré et de notre éveil de conscience ? Et si, contre vents, crises et marées, l’on osait remettre l’optimisme au goût du jour ? Parce que, avouons-le, l’optimisme n’a pas toujours bonne presse. Depuis des siècles, de nombreux penseurs y voient, au mieux, une valeur religieuse désuète ou une position morale peu ancrée dans la réalité ; au pire, une vision naïve et même stupide moquée par les intellectuels ‘réalistes’... Ainsi, de grands auteurs n’hésitent pas à affirmer que « L’optimisme est une fausse espérance à l’usage des lâches et des imbéciles », que « Les plus pessimistes d’aujourd’hui ont été les plus optimistes d’autrefois. Ils poursuivaient de vaines illusions. L’échec les a découragés » ou encore « Un pessimiste, c’est un optimiste qui a beaucoup d’expérience »...
Il y a donc une petite révolution à initier afin de redonner à l’optimisme ses lettres de noblesse. Car l’optimisme n’est pas (nécessairement) une position morale désuète ou un naïf espoir que tout ira mieux demain. Il peut aussi émerger de la compréhension profonde du fonctionnement de la vie, de la conscience et de ses subtils mécanismes.
Avant d’aborder ces aspects, familiarisons-nous avec ce que recouvre la notion d’optimisme.
Un état d’esprit
Le mot « optimisme » dérive du mot latin « optimum » qui signifie « le plus favorable », « le meilleur possible ». Il est défi ni chez l’être humain comme un état d’esprit, durable ou passager, caractérisé par une perception positive du monde et de l’Univers. Dans l’acception courante, une personne optimiste est souvent décrite comme quelqu’un qui a tendance à voir « le bon côté des choses ».
En psychologie, l’optimisme est décrit comme un ensemble de croyances et de traits de caractère qui aident les individus à se concentrer davantage sur les aspects positifs de la vie plutôt que sur les aspects négatifs. Début des années ‘80, les chercheurs américains en psychologie, Charles Carver et Michael Scheier, ont introduit le terme « optimisme dispositionnel » et démontré que c’est la présence de traits positifs qui augmente les chances que quelque chose de bénéfique nous arrive. La théorie dispositionnelle de l’optimisme suggère en effet que l’optimisme conduit à des conséquences positives dans la vie et que le pessimisme conduit à des résultats stressants et à une insatisfaction accrue1.
Les psychologues qui ont exploré cette approche soulignent que l’optimisme est un aspect crucial du succès des humains dans l’évolution2 et ont pu démontrer que l’optimisme : est directement associé à une réduction de la dépression, de l’anxiété et du stress ; entraîne une meilleure santé (phy-sique et émotionnelle) ; augmente la rési-lience et les stratégies d’adaptation ; diminue les mécanismes de défense par déni ou par évitement3.
Ainsi, l’optimisme est essentiellement un état d’esprit et — bonne nouvelle — bien qu’il puisse être une prédisposition innée, il peut aussi être réveillé, nourri et cultivé !
L’optimisme, un choix ?
Peut-être avez-vous l’impression d’être pré-disposé au pessimisme et qu’il est impos-sible de changer cet état d’esprit ? Détrompez-vous ! Une recherche publiée dans le « Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry » prouve, au contraire, que même les individus foncièrement pessimistes peuvent se déconditionner de cette tendance et quitter le « côté obscur de la Force » afin de cultiver l’optimisme. Par exemple, le simple fait de demander à un groupe d’individus de « réfléchir et d’imaginer positivement leur avenir » pendant 10’ suffit à significativement augmenter leur optimisme par rapport à un groupe témoin d’individus auquel il est simplement demandé de « réfléchir à leur avenir ». Les études montrent que cet effet positif se mesure encore plusieurs semaines après l’exercice !
Tout comme pour les autres aptitudes, si nous souhaitons devenir plus optimistes, nous pouvons apprendre à nous entraîner en ce sens, il suffit de le décider et de pratiquer. A mesure que nous nous familiariserons à penser plus positivement, cette perspective optimiste se diffusera naturellement à notre entourage. En changeant notre façon de penser, c’est-à-dire en transformant un à un nos programmes de fonctionnement, et en apprenant à cultiver consciemment l’attitude du ‘demi-verre-plein’, l’optimisme grandira en nous et rayonnera autour de nous. Par résonance, nous attirerons de plus en plus les événements et les personnes qui refléteront ce nouvel état d’esprit, créant des cercles concentriques vertueux qui, par contagion positive, feront leur œuvre dans le monde... et, qui sait, cela pourra peut-être déclencher une épidémie d’optimisme pour laquelle aucun vaccin ne sera souhaitable !
Optimisme & ‘déni-isme’
Les élans d’optimisme n’émanent pas toujours d’un travail sur soi ou d’un changement de regard. Ils peuvent aussi être le reflet d’une forme plus ou moins marquée de déni face à une situation. Ce déni peut d’ailleurs lui-même masquer un système de croyances nourri par diverses peurs inconscientes. Ainsi, se répéter tel un mantra que ‘ça va aller’ au milieu du chaos peut très bien être une forme de déni face à cette réalité. Une sorte de biais cognitif qui agirait comme un vernis psychologique pour se protéger d’un danger (présent ou à venir) ou de la réactualisation d’un trauma passé. Ce ‘déni-isme’ travesti en optimisme n’a bien évidemment rien à voir avec le véritable optimisme.
Reconnaître le négatif et choisir le positif
A l’inverse, il est tout à fait normal et même sain de reconnaître que de mauvaises choses peuvent également arriver. En fait, être réaliste peut même aider à ancrer notre optimisme dans le monde (sauf si le fait d’être réaliste est une excuse pour projeter ses propres conditionnements limitants sur une situation...). On pourrait appeler « optimisme-réaliste » l’attitude qui consiste à reconnaître et évaluer les facteurs apparemment néga-tifs, tout en faisant de notre mieux, sachant que tout est bien, quel que soit le résultat.
Tout comme dans la « théorie dispositionnelle de l’optimisme » citée plus haut, cultiver l’optimiste renforce la croyance que de bonnes choses se profilent à l’horizon, ce qui nous prédispose à ce que cela se manifeste dans notre vie ! En ce sens, l’optimisme est un des moteurs de la célèbre « loi de l’attraction ».
Raison pour laquelle de nombreux auteurs conseillent de ne pas agir lorsque les pensées négatives nous assaillent. Mieux vaut prendre le temps d’évaluer leur véracité. Souvent, ce sont des échos du passé qui viennent nous titiller et créer la confusion. Laisser aller ces pensées-nuages nous permet de « revenir au centre » et ainsi dévoiler l’optimisme-soleil qui n’est jamais très loin en arrière-plan.
Encourager l’optimisme chez les enfants
Effets logiques des différentes crises et effondrements auxquelles nous sommes confrontés, les troubles psychologiques, la peur exagérée de la maladie, le pessimisme et le désespoir deviennent de plus en plus fréquent chez les enfants. Les aider à surmonter leurs pensées négatives dès leur plus jeune âge peut grandement contribuer à en faire des individus autonomes et plus optimistes face à l’avenir. Dans son livre « Optimisme appris : comment changer votre esprit et votre vie » (« Learned optimism. How to change your mind and your life » – non-traduit), le chercheur en psychologie Martin Seligman5 mentionne trois avantages à cultiver l’optimisme chez les enfants : une meilleure santé, de meilleures performances académiques et extrascolaires, un renforcement de la résilience et de la force intérieure pour traverser les moments difficiles de la vie.
Issues de divers domaines de la psychologie positive, voici quelques pistes que les parents et enseignants peuvent utiliser :
• l’auto-discours positif est un excellent moyen de promouvoir l’optimisme chez les enfants. Par exemple, les parents peuvent parler de leur journée de travail et inviter les enfants à parler de leur journée à l’école. Echanger des pensées simples sur ce qu’ils ont aimé et comment ils prévoient de tirer le meilleur parti du lendemain peut être un début simple mais puissant pour cultiver la pensée positive chez un enfant.
• se concentrer sur le processus plutôt que sur le résultat : en encourageant par exemple les enfants à participer à des activités sans se soucier de savoir qui gagne et qui perd ou encore en appréciant leurs efforts et cheminements lorsqu’ils exécutent une tâche.
• se rappeler les moments heureux aide les enfants à se (re)connecter à leur joie et leur apprend que le négatif est toujours passager (surtout en temps troublés).
• changer de perspective : en aidant par exemple les enfants à comprendre qu’il est impossible de toujours avoir les choses comme nous le voulons, ils développent leur perspicacité, apprennent à mieux gérer leurs attentes, à changer de regard et à se mettre à la place d’autrui.
• l’empathie : les enfants qui se sentent entendus et aidés à la maison et auxquels on apprend à faire preuve d’empathie grandissent généralement pour devenir des individus conscients, respectueux et plus optimistes.
En semant et en cultivant le positif, la créativité et l’optimisme auprès des plus jeunes, nous augmentons le potentiel de résilience de la génération de demain. A défaut que cela soit l’axe central des programmes scolaires, il est essentiel que les parents et ensei-gnants y voient une priorité pédagogique en ces temps chahutés.
L’optimisme véritable
Ainsi, vu les enjeux collectifs immenses face auxquels chaque individu se sent généralement impuissant, l’optimisme peut sembler incompréhensible ou irréaliste pour certains, alors que pour d’autres, il représente une des seules forces motrices positives qu’il reste pour changer les choses...
Pourtant, il n’y a pas à choisir l’un ou l’autre, car le véritable optimisme n’est pas le contraire du pessimisme. L’optimisme-de-fond est une position psycho-spirituelle qui ne participe pas à la danse duelle des opposés. Il s’agit davantage d’une attitude intérieure de confiance, basée sur la certitude qu’il n’y a pas de séparation entre la Vie, la Conscience et ses Expressions6. La croyance qu’il y a la Vie d’un côté et l’Humanité de l’autre est fausse. Tout l’Univers émerge au sein d’un continuum unifié et conscient. La séparation est une illusion, ce qui est d’ailleurs démontré par la physique quantique depuis plus d’un siècle et enseigné par toutes les traditions spirituelles depuis des millénaires — il serait temps d’enfin l’intégrer...
Cet optimisme-de-fond n’émane donc pas du système de croyances d’un individu qui se croit séparé du Tout et qui voudrait autre chose que ce qui est, mais résulte d’une compréhension intime qui se situe en amont de toutes croyances ou impressions de séparation. En ce sens, l’optimisme-de-fond est davantage une émanation du cœur, une reconnaissance, voire une célébration, que tout est à sa juste place, quelles que soient les formes et expressions, car émanant de l’intelligence même de la Vie.
Ramana Maharshi, un grand sage indien réalisé du siècle dernier, disait : « Tout ce qui doit arriver arrivera, quels que soient vos efforts pour l’éviter. Tout ce qui ne doit pas arriver n’arrivera pas, quels que soient vos efforts pour l’obtenir. »
A méditer (^^)
1 Scheier et Carver 1992, Scheier, Carver et Bridges 2001.
2 Segerstrom, 2006.
3 Chang et al. 1997.
4 extrait d’une interview de Pablo Servigne sur socialter.fr
5 voir dossier « La psychologie positive pour un épanouissement optimal » publié dans E+ n°315 de mars 2020.
6 voir dossier « La Conscience au-delà du corps une nouvelle vision “post-matérialiste” » publié dans E+ n°305 de mars 2019.
Olivier Desurmont
RÉFÉRENCES :
« La force de l’optimisme » de Martin Seligman chez Pocket •
« Éloge de l’optimisme. Quand les enthousiastes font bouger le monde » de Philippe Gabilliet chez J’ai lu
• « Osez l’optimisme ! » de Catherine Testa chez Michel Lafon
Paru dans l'Agenda Plus N° 324 de Février 2021