La Voie du Tao, un chemin vers l’harmonie
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La Voie du Tao, un chemin vers l’harmonie



Depuis près de 2.500 ans, le taoïsme invite à la simplicité et à la culture du nonagir. Bien plus qu’une énième philosophie ancestrale, cette véritable voie de sagesse imprègne de nombreuses pratiques et propose un cadre tout simple pour cheminer vers l'harmonie et réaliser sa vraie nature.



Le taoïsme, du chinois « dàojiào » (littéralement « enseignement de la voie »), est l’un des trois piliers de la pensée chinoise, avec le Confucianisme et le Bouddhisme. Il se fonde sur l'existence d'un principe immuable à l’origine et en substance de toute chose, appelé « Tao ».

L’idéogramme qui est utilisé pour « Tao » signifi e à la fois le « chemin » et la « voie » dans le sens le plus absolu du terme : la vérité première, à la fois immanente et transcendante. Pour les taoïstes, la « Voie » est un peu comme la Vie elle-même : un fl ux vivant que l’on suit tout au long de son existence et qui permet le déploiement de ses qualités et de son Être dans l’Univers tout entier.

Pour résumer de manière un peu cavalière la richesse de la pensée taoïste, on pourrait dire que « le chemin de l’Homme est de devenir aussi grand que le Ciel ».

Comme le taoïsme recouvre des textes, auteurs, croyances et pratiques, et même des phénomènes historiques, qui ont pu se réclamer les uns des autres sur près de 2.500 ans d’histoire, il est diffi cile d’en offrir un portrait unifié.

Il plonge ses racines dans la culture chinoise, le chamanisme ancestral et s’est principalement élaboré à partir de textes fondateurs, dont le célèbre « Dao de jing » de Lao Tseu et également le « Lie Tseu » et le « Zhuangzi » de Tchouang Tseu.
Le taoïsme s’exprime par des pratiques qui ont infl uencé de façon signifi cative tout l’Extrême-Orient et même l'Occident depuis le XXème siècle jusqu’à nos jours.

Dao de jing
Le « Dao de jing » (le « Livre de la Voie et de la Vertu »), également orthographié « Tao te ching » ou « Tao te king », est un court recueil d’aphorismes poétiques, parfois hermétiques, qui, selon la tradition, fut écrit autour de 600 av. J.-C. par Lao Tseu, le sage fondateur du taoïsme (dont l'existence historique est toutefois incertaine). Pour de nombreux chercheurs modernes, ce court texte proviendrait plutôt de plusieurs auteurs qui l’auraient rédigé sur une période plus longue, ce qui expliquerait certaines de ses propositions qui semblent contradictoires. Pour d’autres, au contraire, il s’agit d’un texte majeur de l’humanité cachant, derrière ses apparents paradoxes, une cohérence profonde sur le sens de la Vie.
Même s’il n'existe pas de conclusion défi nitive quant à sa signifi cation réelle, le « Dao de jing » a eu et continue à avoir une infl uence considérable en Extrême-Orient et en Occident à travers ses très nombreuses interprétations et traductions. On en recense plus de 300 versions en langues étrangères !
On pourrait dire que le « Dao de jing » est un texte qui nous rappelle que nous sommes tous interconnectés et que nous pourrions tous vivre en paix si nous étions conscients de comment nos pensées et nos actions affectent la Terre, les autres et nous-mêmes.

Au lieu de lutter contre le courant de la Vie, de résister à Ce-qui-est, nous pouvons lâcherprise face aux circonstances et laisser aller tout ce qui n’est pas vraiment important. Au lieu de nous évertuer à vouloir avoir raison, nous pouvons préférer être heureux en cultivant notre ouverture pour apprendre des autres. Au lieu de s’accrocher à d'anciens modèles de croyances et de rester conditionnés par le passé, nous pouvons nous rendre disponible à de nouvelles idées et façons de vivre, tout en devenant totalement vulnérables à l’innocence et la fraîcheur de chaque instant...

La multiplicité comme refl et de l'Un
Bien que le terme « taoïsme » fasse référence, soit à une école de pensée philosophique (daojia), soit à une religion (daojiao), les deux mettent l'accent sur une vie en harmonie avec le Tao, c’est-à-dire la Source du Tout et le principe ultime sous-jacent à la Réalité. Ce principe, derrière l'alternance constante du yin et du yáng (dualité) révèle l'Unité ultime (non-dualité). Pour les taoïstes, la dualité et la multiplicité sont en effet des refl ets de l'Un.

L’humain, empêtré dans le jeu antinomiste des paires duelles, ne voit pas qu'elles sont la manifestation de ce seul et même principe. Il ne parvient pas à en réaliser le sens profond et suivre la voie naturelle du « non-agir » (ou « Wu Wei1 »), ce qui correspond à la fi n de l'attachement, des passions, des souffrances et, fi nalement, au réveil spontané du rêve d’être un individu séparé.



Pour actualiser cette réalisation, la Voie du Tao enseigne différentes disciplines qui tendent généralement à mettre l'accent sur l’action sans intention, le naturel, la simplicité, la spontanéité et les trois trésors que représentent la compassion, la frugalité et l'humilité. Parmi ces disciplines, citons :

• l'alchimie interne,
en particulier le « nei dan », qui désigne une forme de méditation ascétique pouvant être introduite par des exercices respiratoires et mentaux. Son but est d’agir sur les 3 composantes essentielles de l’individu (ou « trois joyaux ») que sont l’essence (jing), le souffl e-énergie (qi) et l’esprit (shen) ; l'aboutissement est l’unifi cation du yin et du yáng afi n d’acquérir longévité et immortalité.

• l'astrologie « Bazi » (astrologie des « huit caractères ») qui fait commencer l'année le 4 ou le 5 février, le 1er jour du printemps. Elle se base sur l'année, le mois, le jour et l'heure de naissance, chacune de ces 4 informations étant exprimée par 2 caractères : un tronc céleste et une branche terrestre.

• le feng shui, littéralement « le vent et l'eau », un art millénaire qui a pour but d'harmoniser l'énergie environnementale d'un lieu (le qi ou chi) de manière à favoriser le bien-être, la santé et la prospérité de ses occupants. Plus précisément, il s’agit d’agencer les habitations, meubles et objets en fonction des énergies visibles et subtiles pour obtenir une harmonie, un équilibre des forces et une circulation optimale de l'énergie.

• la médecine traditionnelle chinoise qui se compose de nombreuses disciplines dont la pharmacopée, la diététique, l’acupuncture, la moxibustion, le massage et des exercices énergétiques spécifi ques tels que :

- le qi gong (chi gong ou chi kung) qui se fonde sur la connaissance et la maîtrise du souffl e-énergie, associant mouvements lents, exercices respiratoires et concentration. Le terme signifi e littéralement « réalisation/accomplissement relatif au qi » ou « maîtrise du souffl e-énergie ». Il existe de nombreuses variantes telles que les « 8 pièces de brocart » qui permet de rendre l'organisme plus résistant et de prolonger la vie, les « 5 animaux » (qi gong de santé), le qi gong de la canne ou du bâton, le gi gong des paysans, le « pingshuai kongfu » ou encore le « qi gong sibérien ».

- le tai-chi-chuan (tai chi ou taiji quan), la « boxe du faîte suprême », est un art martial chinois dit « interne ». Cette pratique insiste sur le développement d'une force souple et dynamique appelée « jing » et porte une attention particulière à l'enracinement et au relâchement qui garantissent la fl uidité des mouvements et leur coordination. Bien qu’il ait pour objet le travail de l'énergie vitale, du souffl e et puisse comporter une dimension spirituelle, il est parfois réduit à une simple « gymnastique de santé ». Il existe de nombreux styles, dont les plus populaires sont les styles Chen, Yang, Wu et Sun.



Plénitude du vide et autres paradoxes
L’inutilité sociale, l’absence de qualités effectives et la vacuité d’un coeur libéré de tout souci mondain sont les aspirations les plus courantes de la voie taoïste. Pour réaliser ce dépouillement libérateur, pour « trouver la Voie », un des moyens possibles est l’utilisation des paradoxes. Il y en a beaucoup dans les textes fondateurs du taoïsme : c’est sans sortir de chez soi que l’on connaît le monde ; c’est en ne sachant pas que l’on sait le mieux ; c’est quand on agit le moins que l’action est la plus effi cace ; la faiblesse est plus forte que la force… Le but de ces paradoxes est de briser la pensée conventionnelle, de rompre les chaînes logiques et casser le sens commun afi n de court-circuiter le mental, comme le cultivera plus tard le Bouddhisme Chan avec ses célèbres Koan.

Non-dualité et non-choix
Au-delà de ses paradoxes salutaires, la Voie du Tao enseigne également que la source de toutes nos diffi cultés provient d’une erreur de perception, un mirage perpétré par les pensées. Ces dernières créent en effet la séparation entre un sujet et un objet, entre ce qui perçoit et ce qui est perçu, entre moi et ce qui n’est pas moi. Lorsque nous nous percevons comme séparés des autres et des situations, le mental catégorise ces autres et ces situations en deux possibilités distinctes : bonnes ou mauvaises. Une fois que nous voyons les choses au travers de ce fi ltre duel, les pensées tentent de contrôler les événements afi n de nous éviter les mauvaises choses et nous assurer les bonnes. Et nous entrons en résistance lorsque les choses ne vont pas dans notre sens. Nous voulons expérimenter le positif sans le négatif, ce qui est frustrant, sans espoir et illusoire dans le sens où la dualité yin - yáng est en mouvement constant. La seule chose qui soit permanente est… l’impermanence !

La solution taoïste à cela est le non-choix. Ne pas choisir ne signifi e pas être indifférent ou résigné face aux événements, il s’agit davantage d’un accueil sans réserve de ce-qui-est tel que cela se présente, d’une joyeuse acceptation qu'il n'y a pas de victoire sans perte, pas de lumière sans obscurité, pas de yin sans yáng… C'est une compréhension intime que ce qui se présente à un moment donné peut changer et prendre une toute autre forme à un autre moment, et qu'il n'y a fi nalement pas lieu de s'inquiéter. Essentiellement, le non-choix est la reconnaissance que tout est relié, interdépendant et que le Tao est Unité au-delà de l’apparente dualité. Il existe un vieux conte chinois qui illustre à merveille cette perspective taoïste unique :
« Un fermier avait pour seule richesse un vieux cheval grâce auquel il labourait ses champs. Un jour le cheval s’enfuit vers les collines.
Ses voisins qui le prenaient en sympathie, lui dirent : « Quelle malchance ! » ce à quoi il répondit simplement : « Chance ou malchance, qui peut le dire ? ». Une semaine plus tard, le cheval revint des collines avec un troupeau de chevaux sauvages et les voisins félicitèrent le fermier pour sa bonne fortune. Il répondit à nouveau : « Chance ou malchance, qui peut le dire ? »
Puis, lorsque son fils, voulant dompter un des chevaux sauvages, fit une chute et se brisa la jambe, tout le monde pensa que c’était une grande malchance. Le fermier, lui, se contenta de dire : « Chance ou malchance, qui peut le dire ? » Quelques semaines plus tard, des soldats de l’armée débarquèrent dans le village et mobilisèrent tous les jeunes gens valides pour partir en guerre. Quand ils virent le fils du fermier avec sa jambe cassée, ils le dispensèrent du service. Était-ce de la chance ? De la malchance ?
Qui peut le dire ? … »


A méditer !

Olivier Desurmont

Références :
« Tao-Te-King - Le livre de la voie et de la vertu » de Lao-tseu chez Marabout
• « Le taoïsme. La voie du tao, une doctrine ouverte et plurielle » d’Aurélie Raymond aux Ed. 50 Minutes.fr
• « Taoïsme & connaissance de soi. La carte de la culture de la perfection » de Catherine Despeux chez Guy Trédaniel
• Wikipedia.



Paru dans l'Agenda Plus N° 335 de Mars 2022
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