Danser dans la vie pour danser sa vie…
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Danser dans la vie pour danser sa vie…



Avez-vous déjà participé à un spectacle de danse africaine ? Avez-vous déjà observé le contraste, dans ce type de spectacle, à compétence technique égale, entre un danseur européen et un danseur africain ? Tous ceux qui en ont fait l’expérience auront été saisis par l’instinct avec lequel les danseurs d’Afrique s’expriment. Il y a l’esprit et la joie de l’Afrique qui jaillit des danseurs, au-delà des mots, des sons. Voilà une expérience singulièrement percutante pour notre civilisation européenne qui a presque oublié de danser dans la vie, de danser sa vie.



La danse comme point de repère d’expression

Pour la plupart d’entre nous, la danse est réservée à certains contextes : fêtes de mariage, boîtes de nuit, cours de danses de salon, spectacles de danse contemporaine, ballets russes en accompagnement d’une symphonie, etc... Mais il y a des cultures où la vie elle-même est rythmée par la danse. Danse d’initiation, danse de combat, danse rythmant les saisons et les cultures, danse lors des rites de passage (entrée dans l’âge adulte, mariage, décès, accueil, etc..). Ce rapport à la danse inscrit donc - très naturellement - la danse comme point de repère d’expression dans le corps de ces danseurs. La danse est alors comme la musique, la peinture ou la cuisine : un langage. Un langage du corps de l’être qui s’exprime. Un langage naturel. Un langage clair. Un langage fluide, élégant. Là, dans cette union du corps et de l’esprit par le mouvement dans l’ici et maintenant se donne à vivre une union intime. Plus la communion corps/esprit sera forte, plus la danse sera sacrée, touchant les autres, la cité, le groupe, la collectivité.

Les codes de la danse

Revenons à notre culture… Codifiée depuis des dizaines d’années dans des styles, la danse aujourd’hui s’exprime par autant de styles que d’époques. L’apparente austérité du tango contraste avec la liberté du hip-hop. La convivialité du folk contraste avec la sobriété et parfois la froideur de la chorégraphie de la danse contemporaine. L’élégance du classique est en constraste avec le caractère libre de la biodanza. Le festif du swing n’a pas grand chose à voir avec les valses de Vienne.

Mais vous qui nous lisez, dansez-vous ? Parfois, jamais, souvent ? Vous sentezvous à l’aise en dansant ? Êtes-vous à l’aise d’être regardé ?

Comme toutes voies d’expression, la danse exige de nous dépasser. Dépasser la peur du regard des autres, dépasser la peur d’oublier la chorégraphie, s’il y en a, ou d’en improviser une s’il n’y en a pas, être dans l’instant présent et pas dans les soucis du travail, assumer son corps sexué avec toutes ses réactions incontrôlables (sudation, manifestation du désir, etc...), assumer son corps dans ses proportions, dans ses limites et dans ses imperfections.
La danse nous confronte à entrer dans le corps pour l’apprivoiser. Tout à coup, le mental doit s’associer impérativement au corps pour collaborer et accepter l’expression du corps par le mouvement, sans jugement, voilà déjà une voie d’humilité pour une civilisation qui a codifié que l’esprit (le mental) était supérieur à la matière (le corps).



La danse devenue multiple

La danse a été durant des siècles un rituel de formation des couples. Si vous interrogez vos parents, grands-parents, arrières-grands-parents, la plupart des rencontres et des couples se sont formés par la danse. Dans notre inconscient, la danse nous réjouit, car elle active le mythe de la rencontre d’amour et elle fait peur aussi car en étant un instrument de séduction, elle peut être aussi un couteau qui tranche un couple ou qui sème l’infidélité.

La merveille de cette époque pour la danse est qu’elle est devenue multiple, la danse a trouvé d’autres fonctions que la formation des couples bien qu’elle y contribue toujours, notamment dans ces lieux étranges que constituent les boîtes de nuit. Il y a certes des disciplines connues (le classique, le tango, la samba, etc...) mais avec ce mélange de cultures dont notre époque raffole, se produit aussi le mélange des styles. Le tango existe au-delà du style des années ’30 en version « nuevo ». La danse contemporaine puise ses racines dans le classique. Le folk réinterprète avec joie certains standards traditionnels et, pour tous ceux qui n’apprécieraient pas l’apprentissage d’une technique ou des codes, il y a toutes ces formes de danse créative au cadre souple : danse libre, danse moderne, danse contemporaine, biodanza, danse des 5 rythmes, etc...

Quelques fondamentaux de la danse

Globalement, la danse nous ramène à des fondamentaux qui ont pour but de :
• Stimuler la joie de vivre, l’élan vital, le plaisir du mouvement, s’accorder à une musique, à un rythme, à partager à plusieurs, à deux, en couple ou en groupe ;
• Se connecter et assumer son identité sexuelle, accueillir cette énergie sexuelle si souvent réprimée et assumer une saine expression de la séduction présente dans les rapports humains ;
• S’exprimer, s’affirmer, assumer le regard des autres, assumer le contact, faire fi des barrières sociales ;
• Être connecté à soi pour entrer en contact avec le ou les partenaires, se connecter au langage du corps, créer un nouveau langage du corps qui apportera du lien, découvrir de nouvelles personnes, dépasser la mécanique de la séduction pour être dans un rapport sensoriel, fluide, convivial, agréable avec l’autre ou les autres ;
• Développer son axe vertical, tout d’abord s’enraciner dans son corps et dans la terre qui nous porte pour ensuite nous élever dans la verticalité, la conscience de l’instant et pour aussi donner une dimension de transcendance dans l’expression du corps ;
• Donner sens à sa danse : exprimer par le corps des qualités d’être qui vont toucher qui en aura besoin, rayonner la joie, l’élégance, la féminité, la délicatesse, la douceur, la force ou la liberté.
La danse est bel et bien un art dans la vie mais, intégrée à notre être, elle devient un art de vivre.



La danse, discipline ou l’égo est mis à l’épreuve

Dans la danse, comme dans toute voie, l’égo sera testé. La danse est pleine de pièges. Il y a bien entendu le piège de la séduction qui demande inlassablement à notre être de s’aimer d’abord soi-même avant de chercher l’amour chez l’autre. La danse nous met en contact avec le corps, parfois le toucher, la proximité. La sensualité découlant de la danse exige une discipline de maîtrise des pulsions, des désirs, un respect de l’autre, une conscientisation du transfert, de tous les processus de séduction… Que de travail sur soi déjà !
Le piège du regard des autres est aussi une embûche qui fera trébucher le danseur en quête de reconnaissance car la danse pour les autres devient de la performance ou envie de plaire ou d’être reconnu. En prenant son statut, bien que parfois éblouissante, elle perd cette authenticité qui touche le coeur, l’âme. La danse - comme tout apprentissage d’une voie d’expression – exige une forme d’entrainement, de rigueur et souvent l’égo préfère les zones de confort et n’apprécie pas trop la discipline. Mais que de découvertes et de moments magiques une fois l’égo rangé à sa juste place !



L’équilibre yin/yang

Le défi pour chacun est sans nul doute de trouver pour tout amateur de danse le bon équilibre entre le yin et le yang qui nous correspond au moment où nous dansons. Cela signifie déjà connecter cet équilibre entre mouvement, dynamisme, initiative et réceptivité, lâcher-prise, ressenti. Cette recherche d’équilibre est une clé pour naviguer dans l’expression du corps et ainsi s’accorder à la musique, à son état intérieur, à l’équilibre des autres.
Cet équilibre se trouvera aussi dans la connexion à soi-même puisque, pour que la danse devienne magie, il s’agit de s’accorder à son rythme, de connecter son ressenti. Pour certains cela est évident, pour d’autres, un cadre sécurisant leur permettra cette connexion.

La danse comme voyage

La danse est un voyage car elle est mouvement en trois directions et, à ce titre, elle est voyage dans l’espace. Elle est voyage car faite de rencontres et d’imprévus, de haut et de bas, de découvertes et redites.
La danse comme voyage est surtout ce voyage intérieur vers notre corps. Qu’a-t-il envie d’exprimer ? Est-il confortable ou douloureux, fluide ou rigide ? Ce corps qui demande à être apprivoisé toujours plus et qui est ici la pierre angulaire de toute danse, ce corps qui demande patience, écoute, rigueur, étirements. Ce corps qui, par le mouvement, permet à notre être d’exprimer de nouvelles facettes que la personnalité n’oserait pas. Le corps a-t-il envie d’exprimer un amour d’un pays ? D’une identité ? Une connexion au sacré ? Mettre en l’honneur la féminité ? Exprimer du rythme, de la force, du génie ?<
La danse – et surtout les danses libres (contemporaines, des 5 rythmes, la biodanza, dansa duende, etc) est surtout un voyage vers une destination inconnue, un voyage de créativité, un voyage qui a ses moments de vides et puis tout à coup ses temps de génie. Un voyage qui se construit avec l’environnement : danser à Charleroi ou à Bruxelles n’est déjà pas le même environnement, danser entre femmes ou devant un public non plus. Danser la nuit ou le jour est aussi différent. Jamais deux danses ne seront identiques, la danse est bel et bien un art du moment présent. Un art en mouvement à créer sans cesse.



La transe dans la danse

La transe est un état modifié de conscience qui peut survenir par divers média. La transe a toujours fasciné les hommes car elle a aussi été considérée comme un voyage vers des plans de consciences plus élevés, s’approchant d’une conscience divine. La transe est une expérience sensorielle qui impacte fortement la personne qui l’a vécue.
La transe est aussi un processus qui peut naître de la danse. Des danses rituelles connaissent depuis longtemps ces pratiques. Les danses rotatives des derviches tourneurs, certaines danses africaines, certaines autres danses en conscience peuvent favoriser et induire ceci, libérer du carcan du mental et ainsi donner à percevoir une autre dimension.

Danser dans la vie ou danser sa vie

Il est des disciplines qui transforment votre vie. Il est difficile de cloisonner sa vie à ses influences. Quiconque pratique le yoga développe un autre rapport au souffle dans sa vie de tous les jours.
La danse fait de même avec ses adeptes ! Dès lors que le corps a pris l’habitude de se mou- La danse, un art en mouvement à créer sans cesse. voir, de se décoincer de cette rigidité qui l’a trop longtemps emprisonnée, dès lors que le rythme et la musique ne percutent plus seulement votre tympan mais aussi tout votre système moteur, dès lors que la grâce et la magie de la danse ne sont plus seulement affaire de professionnels, la danse court-circuite votre mental et devient comme un instinct dans votre vie. Un instinct qui vous rend vivant, très vivant et reconnaissant de cette voie d’expression par le mouvement du corps. Attention. En pratiquant la danse, voici des comportements non pathologiques qui peuvent survenir dès l’absorption du placebo :
• danser sur une chaise en écoutant un concert ;
• danser dans une file d’attente d’un aéroport.
• danser sous la douche (avec prudence !)
• danser à vélo,
• danser sur votre parquet dans votre salon,
ou et même parfois nu dans votre jardin sur la pelouse en contact avec la rosée ;
• danser une petite valse naturelle en retrouvant un ami de longue date dans une gare ;
• danser à la remise d’un résultat positif (scolaire, médical, professionnel) ;
• danser à l’aurore, à midi ou au solstice



La danse nous invite à entrer en mouvement avec la vie. La planète danse dans le système solaire. Les étoiles dansent dans le ciel. Les éléments dansent ensemble. Inutile de vouloir rester figé. La vie nous invite comme la plus belle des partenaires à danser notre vie à chaque instant.
Alors, reconnaîtrons-nous les lecteurs d’Agenda Plus à leur façon de danser dans la prochaine file d’attente de leur magasin préféré d’alimentation naturelle ?

Raphaël Dugaillier



Paru dans l'Agenda Plus N° 271 de Octobre 2015
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