Se guérir soi pour guérir le monde : une évidence
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Se guérir soi pour guérir le monde : une évidence



Les actualités témoignent chaque jour d’immenses vécus de souffrance à travers les médias. Attentats, exodes, injustices, maladies, violences, guerres, solitudes, dégâts à l’environnement, animaux en souffrance, etc. Comment parvenir à apporter sa contribution dans la ‘guérison’ du monde à travers notre sphère personnelle et dans nos actions quotidiennes ?



La maladie de l’ensemble, incarnée

Le monde est malade. Les livres qui font état du diagnostic sont publiés par millions chaque année sur tous les thèmes. Economie malade, gouvernance malade, relations de couple malades, etc. Outre les livres, les médias de masse nous inondent de micro et macro diagnostics de maladies.
Cela étant, lorsque l’on décrit que tel mécanisme de marché ou que tel mouvement d’exode est une forme de maladie de la planète, à nommer le global, il serait tentant d’oublier que tout système est porté consciemment ou inconsciemment par des hommes et des femmes, et que si le climat se dérègle, c’est parce que des milliers, des millions d’humains ne considèrent pas l’importance de garder un équilibre en méprisant des actes d’engagements, ou plus sombre encore, désirent avancer concrètement dans un déséquilibre qui serait préjudiciable à l’ensemble.

Ce mécanisme, dans les récents attentats de Paris, en devient évident. La prise deconscience des responsabilités partagées nous est offerte par le choc des dizaines de morts.

Le mécanisme de résonnance

Vivre coupé de l’extérieur n’est pas possible. Notre isolement est impossible. L’humain est un être fondamentalement relationnel. Nous appartenons à l’humanité. Nous faisons partie du système. Il résonne avec son environnement, qu’il soit étroit ou très vaste, avec ce qui s’y joue de léger et de lourd. Les actualités résonnent en nous, c’est-à-dire le vécu des gens, des animaux, des espaces naturels et des éléments. Comment cette résonnance est-elle vécue ?
La résonnance est-elle d’abord accueillie ou est-elle refoulée ? Car son accueil est une des voies permettant de nous aligner à notre axe et ainsi semer la justesse de notre être et guérir le monde. Avant d’aborder les possibles résonnances, examinons d’abord deux mécanismes qui occultent cette résonnance.

Primo, le transfert

Le transfert, notre égo s’en sert le plus souvent possible, pour nous éviter de prendre nos responsabilités. Notre égo cherche ainsi à trouver un responsable autre que nous au comportement, à l’émotion désagréable ou à la blessure que nous vivons.
En pratiquant de la sorte, il trouve virtuellement un responsable externe et, lui il a gagné ! Car si nous le suivons, nous évitons de nous remettre en question et de nous corriger. Pour certains évènements, cela étant, nous avons aussi éduqué notre ego à voir en nous-mêmes. Mais face à l’ampleur des blessures d’âmes que nous transportons*, notre personnalité n’a pas encore à suffisance l’ouverture de conscience pour percevoir le partage des responsabilités dans les maladies de la planète.

Secundo, le déni

Le déni est une notion pour désigner la nonconsidération d’une partie de la réalité. Si un être n’a pas conscience qu’il transporte en luimême une blessure d’injustice, par exemple, comment pourrait-il considérer cette partie de la réalité ?
Le déni est un mécanisme puissant car beaucoup d’humains l’utilisent tous les jours. Ne pas considérer un malaise pourtant bien présent, le cacher derrière une médication, une addiction ou un comportement d’évitement, etc....
Le déni, c’est aussi ce mécanisme où chacun délaisse sa participation humble mais réelle à des responsabilités globales. Ne pas considérer ma contribution nécessaire à l’effort en matière de changements climatiques, ne pas considérer ma contribution nécessaire à l’émancipation des femmes, ne pas considérer que si je produis un effort sur moi-même, il se répercutera sur les autres.
Cette répercussion est sans doute une merveille sous-estimée. Car, comme les catadioptres réfléchissent la lumière à cette saison où la luminosité du soir est vite absente, une relation harmonieuse fait l’effet d’un catadioptre, elle laisse partager l’amour. Et si vous placez 10 000 catadioptres dans un quartier, il devient tout à coup bien lumineux, même à cette saison !

Les résonnances, quelles sont-elles ?

Pour les (re)découvrir, prenez simplement la dernière expérience inconfortable vécue. Que ce soit avec un membre de votre famille, votre partenaire, ou dans une relation amicale ou professionnelle, ou par une nouvelle de l’actualité, peu importe. Une fois saisie, branchezvous à nouveau sur la sensation persistante après cette disharmonie.
D’abord, vous allez découvrir l’émotion de réaction, souvent la colère ou la tristesse, bien que la peur soit parfois aussi de la partie. Une fois mise au jour, cherchez en vous-mêmes dans un moment d’introspection « ce qui ne passe pas », « ce qui reste en travers de la gorge », petit ou gros. Il y a fort à parier qu’il persiste un sentiment qui résonne au niveau du coeur. Résonner est le terme approprié car la résonnance existera naturellement avec nombre d’événements où le même poison a été inoculé et encore actif au coeur.
Si votre bagage verbal est vaste et votre capacité à vous connecter à votre ressenti est rapide, il y a de fortes chances que vous puissiez rapidement mettre des mots sur un ou plusieurs des « poisons ». Si tel n’est pas le cas, rassurez-vous, on va accélérer le processus en les explicitant.
Cinq poisons intoxiquent les relations entre les êtres. La somme des relations forment cette humanité. Si l’humanité est en partie en ‘maladie’, il faut donc ‘désintoxiquer’ les poisons des relations et les traces que ces poisons ont laissées en nous. Si simple et pourtant si complexe !

Primo, l’injustice

Ouvrez le premier média qui vous passe sous la main et ce poison vous saute aux yeux. L’injustice, ce sentiment douloureux qui se manifeste lorsque l’équité n’est plus de mise dans une relation, ou ne semble plus de mise, et la nuance n’est pas mince. L’injustice se manifeste évidemment avec le système judiciaire, mais aussi avec beaucoup de représentants de l’autorité (police, fisc, douane, enseignement, etc…). Cela se vit aussi énormément dans les enjeux de pouvoir et d’argent qui ne manquent pas en ce début de millénaire. Les excès de discipline aussi induisent l’injustice. Cela se vit partout et tous les jours et l’exhaustivité est impossible. Rappelons-nous que la colère, comme une démangeaison à la suite d’une piqûre, en est a priori le principal primo-révélateur.

Secundo, l’abandon

L’abandon est ce sentiment que chacun peut vivre lorsqu’il se sent délaissé, que le lien se distend, ou un des protagonistes de la relation accorde de moins en moins d’importance à l’autre, à la relation. Dans les couples, cela est fort commun, et dans les relations internationales aussi. Tiens, au fait, qu’a fait la Belgique au moment du génocide du Rwanda ? Notre pays a délaissé ce peuple aux exactions et à la barbarie avec les suites que nous savons. Des millions de morts en quatre mois.
L’abandon est tout aussi commun et lui nous pousse vers les addictions. Quand nous pensons que la Belgique figure parmi les champions du monde de consommation de psychotropes, cela dévoile que dans l’opulence matérielle, nous nous sentons bien délaissés !

Tertio, la trahison

Elle nous installe dans un système de contrôle, puisqu’ayant été abusé de notre confiance et ayant vécu la déloyauté dans une relation, il nous faut désormais nous protéger : contrôler.
La trahison prend diverses formes comme la tricherie, la fraude, la malhonnêteté, la nonauthenticité. Elle évoque en nous souvent des moments-phares bien détestables, parfois enfuis, jamais oubliés et quelques fois guéris. Cela court les rues, dans les couples, au boulot ou avec le monde politique. La trahison, c’est un peu comme les métaux lourds dans la nature, il faut du temps pour se détoxifier de ces petits éléments « biopersistants ».

Quartro, le rejet

Ecarter une personne ou en nier une de ses facettes. Ne pas la reconnaître, l’ignorer. Bienvenue à tous les plexus solaires noués, souvent le rejet en est pour quelque chose… Franchissez une grille de cour de récréation et cela est aisé à observer, certains enfants sont écartés. Regardez en arrière votre vie amoureuse, lesquels avez-vous « jetés » ou lesquels vous ont « rejeté » ? Regardez les rejets d’ethnies, de cultures… et toute la violence que cela engendre ! Premier remède au rejet, le « merci » sincère lorsque vous avez reçu quelque chose. Cela dénoue tout de suite le plexus solaire.

In fine, l’humiliation

Ô sentiment détestable que nous avons tous goûté et qui aura pour partie émergée la honte, la culpabilité. Humilier, c’est juger une personne, soit en voulant la réduire ou en voulant la mettre sur un piédestal, vous sentant alors humilié vous-même. C’est l’inverse du respect, l’humiliation c’est aussi un gros couvercle sur bien des tabous persistants. Pensez à tout ce qui est difficile sur la mort, la sexualité, l’argent, la différence, etc.
Ce premier tour d’horizon établi, vous aurez sans doute compris pourquoi si peu de relations sont profondément harmonieuses. Car il s’agit, avec la même personne, de ni recevoir ni inoculer aucun des cinq poisons dans la relation.



Résonner en premier, s’aligner en second

Une fois la résonnance accueillie, le poison relationnel identifié, il est nécessaire de s’aligner par un acte concret. Car laisser l’émotion gouverner notre vie amène la dérive de se sentir « victime ».
Quels actes concrets sont nécessaires ? Le ou les acte(s) qui va(vont) tendre(s) à rééquilibrer la relation – d’abord en dissolvant le poison relationnel – puis en utilisant ma puissance dans la sphère d’action qui m’est propre.
Je ne peux pas forcer autrui à agir – chacun dispose du libre arbitre de ses actes et pensées – mais quand je joue pleinement mon rôle, alors je peux trouver une forme de paix car j’ai apporté ma juste contribution.
Non seulement mon action a un impact, mais en plus ma paix vient comme un ciment consolider cet impact. A voir tout ce qui est à rebâtir en ce siècle, il en faudra du ciment – de la paix – pour consolider toutes les actions apportées par chacun pour rebâtir et guérir les quatre coins du monde et tous les systèmes (économique, alimentaire, migratoire, etc).
En systémique, il est dit que pour changer un système, il suffit de modifier un des éléments du système, nul besoin de modifier les autres. Car si déjà je guéris une blessure, je change ma vision du monde, non seulement j’installe davantage la paix en moi et je l’émane, mais en plus, la rancoeur qui se dissipe vient aussi alléger l’autre qui est concerné ailleurs même si lui ne veut pas changer. Il reçoit l’information. Imaginez l’effet « ricochet » si le volume des guérisons et des actions d’alignement se multiplie ! Cela peut se répandre exponentiellement et produire des vagues de paix, de réconciliation, de partages de joie, etc.
Décembre est une période de fêtes, de cadeaux, de rencontres et d’introspection par l’invitation annuelle du solstice d’hiver. A côté des cadeaux à nos proches, prenons le temps de faire un cadeau à notre Soi et à cette Terre : un cadeau qui serait de désintoxifier un poison relationnel en profondeur qui nous encombre l’Être, accompagné de son ou ses action(s) d’engagement pour rééquilibrer d’abord sa relation à soi-même, à autrui et à cette planète qui nous offre tant de beauté et de ressources. Alors la maxime « se guérir soi pour guérir le monde » deviendra pour chacun un truisme, le sapin apparaîtra encore plus lumineux, Noël sera encore plus paisible et cette expérience nous aidera à faire de 2016 et des années suivantes des années de paix et d’amour.

Raphaël Dugailliez

Bibliographie : * Lise Bourbeau, « Les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même »



Paru dans l'Agenda Plus N° 273 de Décembre 2015
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